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variée selon l’âge du ver : au commencement elle est blanche & insipide ; elle a un goût de miel lorsque le ver est plus avancé : au terme de sa métamorphose c’est une gelée assez transparente & fort sucrée. Tout le fond de la cellule est couvert de cette boullie, sur laquelle le ver est couché, de sorte qu’il peut se nourrir sans faire d’autre mouvement, dont il ne seroit pas capable, que celui d’ouvrir la bouche : les abeilles ouvrières qui les soignent avec l’affection la plus tendre, sont sans cesse occupées à les en pourvoir : plusieurs fois dans la journée elles entrent dans les cellules pour examiner si les vers ont la nourriture nécessaire, & pour leur en fournir s’ils en manquent. On ne voit pas, il est vrai, ce que fait une abeille qui reste quelques momens dans la cellule d’un ver, où elle s’est introduite la tête la première ; mais les autres qui viennent ensuite, & qui passent sans y entrer, pour s’arrêter à d’autres qu’elles visitent, font juger que la première est allée dans cette cellule pour dégorger la boullie qu’on y apperçoit. Le ver qui vient de naître en est aussi pourvu que celui dont l’accroissement est déjà avancé ; on auroit donc tort de croire qu’elle est le résultat de sa déjection ou de ses excrémens, d’autant mieux que quand il est sur le point de sa métamorphose, la cellule en est absolument vuide.

Les abeilles ouvrières ont les mêmes soins pour les vers des faux-bourdons que pour ceux de leur espèce. À l’égard de ceux qui doivent se transformer en reines, elles sont aussi prodigues dans les alimens qu’elles leur donnent, que dans la construction des édifices où elles les logent : ils sont toujours entourés d’une abondance considérable de boullie très-sucrée ; elle diffère beaucoup par cette qualité de celle des vers communs. Lors même qu’un ver de reine est sur le point de sa métamorphose, on en trouve beaucoup dans le fond de sa cellule, ce qu’on ne remarque jamais dans celle des vers ordinaires ; & lorsqu’il est sorti de sa cellule sous la forme d’abeille, on en trouve au fond qui est coagulée.

Quelques naturalistes, trompés par la couleur & la viscosité de cette matière dont les vers sont nourris, ont cru reconnoître qu’elle n’étoit qu’une sève épaissie qui coule des saules & des autres arbres : mais lorsque la sève ne coule plus, comment les abeilles nourriroient-elles leur famille, qui s’accroît dans toutes les saisons de l’année, à moins qu’il ne fasse froid ? M. de Réaumur, qui a décidé, d’après ses épreuves, du goût de cette nourriture, a eu raison de penser qu’elle n’étoit que du miel, peut-être préparé avec la cire brute, selon l’âge des vers.

Quand la saison est favorable & qu’il fait très-chaud, dans six jours le ver a pris tout son accroissement, & il est au terme de sa première métamorphose : les abeilles, qui connoissent l’instant de ce changement, cessent de lui donner une nourriture qui lui seroit inutile, puisque dans son état de nymphe il ne mange point : les derniers soins qu’elles prennent de lui, sont de le fermer dans sa cellule, en appliquant un couvercle de cire à l’ouverture, afin qu’il ne soit point incommodé des abeilles qui marchent