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qu’elle tient plus de principes terreux en dissolution. On voit quelquefois ces écumes rester plusieurs jours avant de s’affaisser, ce qui prouve que l’air renfermé dans ces bulles n’a pas assez d’élasticité & de force pour briser les liens visqueux qui l’emprisonnent. Rassemblez une assez grande quantité de ces écumes ; jetez-les, & enfouissez-les dans le coin d’un champ ou d’un jardin, & les productions qu’on en retirera annonceront l’excellence de cet engrais.

La pluie d’orage, pendant l’été, amende mieux la terre que la pluie d’hiver, parce que l’eau de la première est plus imprégnée d’exhalaisons terrestres que la seconde ; les premières gouttes qui tombent sont larges & très-chaudes ; celles qui leur succèdent sont au contraire très-froides & petites. Celles-ci viennent d’une région très-élevée, & les autres, au contraire, d’une région beaucoup plus basse. L’analyse chimique prouve que cette première eau est plus saline & plus visqueuse, & l’expérience démontre qu’elle se corrompt beaucoup plus promptement que la seconde, & que l’eau de pluie qui tombe dans l’hiver. Voilà pourquoi cette espèce de pluie amende mieux la terre, si elle ne tombe pas avec une rapidité & une abondance capables d’entraîner le terreau & les autres limons qui recouvrent les champs. L’odeur que répand cette pluie lors qu’elle commence à tomber, annonce suffisamment combien elle est surchargée de substances hétérogènes & engendrées par les différentes exhalaisons de la terre. Dans nos provinces méridionales, où l’été est presque toujours sans pluie, la première qui tombe au commencement du mois d’Octobre, rend la vie à la terre desséchée, & il est rare, sur-tout en Corse, & dans la plupart des pays chauds, que ceux dont les vêtemens sont imbibés de cette eau, n’éprouvent peu de tems après une maladie très-sérieuse. On peut cependant demander : la maladie est-elle l’effet de la pluie ou des exhalaisons long-tems retenues dans la terre, dont elle facilite la sortie ? Malgré ce problême qui reste à résoudre, il n’en est pas moins prouvé que cette première pluie produit de grands effets sur la terre ; qu’elle la dispose à recevoir les semences, achève la putréfaction des substances, soit animales, soit végétales, enfouies dans son sein.

L’eau réduite à l’état de glace dans l’intérieur de la terre, agit mécaniquement pour l’amender. Dans cet état, l’eau placée entre chaque molécule, les distend en se condensant, occupe un plus grand espace ; & semblable à des coins multipliés, elle soulève chaque partie, & insensiblement toute la surface. Jetons les yeux sur un champ labouré avant l’hiver, & que la charrue en ait soulevé plusieurs mottes ; ces mottes, ces grumeaux seront divisés & réduits en particules très-fines, lorsque la gelée aura opéré sur elle, & lorsque le dégel sera passé. Ce que le froid exécute sur ces grumeaux, il l’opère également sur toute la surface, mais d’une manière moins visible : cependant, si le froid & le dégel n’avoient pas agi sur la surface, le pied enfonceroit moins dans la terre, lorsqu’on mar-