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pres à donner aux arbres une forme différente de celle qu’on se propose de leur faire prendre. Avec quelques attentions suivies dans les premières années du développement des sujets, on parviendroit aisément à les assujettir à la forme qu’on juge convenable, & leurs branches se trouvant alors constamment dans une atmosphère plus froide, ouvriroient nécessairement leurs boutons plus tard.

Cette théorie est fondée sur l’expérience d’un cultivateur qui avoit dans son champ plusieurs amandiers fort gros. Il prit le parti de faire couper un de ces arbres, parce que ses boutons se développant de très-bonne heure, les gelées les endommageoient chaque année. Comme le terrain étoit peu précieux, il laissa croître les jets nouveaux qui poussèrent de la souche. Quelques années après, il vit naître sur ces jets des fleurs beaucoup plus tard que sur les arbres qu’il avoit conservés. La vigueur des jeunes pousses étoit certainement une des causes qui avoit suspendu leur fleuraison ; le peu d’élévation au dessus du terrain étoit, selon M. Bernard, ce qui avoit le plus influé pour produire cet effet. Cette expérience est facile à tenter, & peu coûteuse dans son exécution.


CHAPITRE V.

Des Haies formées avec les Amandiers.

Dans tous les pays à amandiers, les terrains que l’on sacrifie aux grandes plantations d’amandiers sont maigres, sablonneux, caillouteux ; & l’année où ils sont semés en grains, ils exigent beaucoup d’engrais, sans quoi les frais de culture excéderoient la valeur de la récolte. À cet effet, on laisse ces champs ouverts à la libre pâture des troupeaux, ce qui suppose que les haies ne bordent pas les héritages ; si elles étoient en amandiers, la dent meurtrière du mouton les auroit bientôt détruites. On place ces haies dans la terre qui touche les chemins, & souvent pour bordures dans les vignes ; elles sont formées avec des noyaux d’amandes amères plantées à demeure. Quelques-uns les placent à six pouces de distance, & d’autres à celle d’un pied. L’arbuste n’est point greffé : il produit des amandes amères, & quelques pieds d’amandes douces ; elles sont moins grosses que celles des arbres greffés, & parfois la récolte est assez abondante. Un vice essentiel caractérise ces haies : la tige s’emporte, se dégarnit dans le bas, & fourmille de branches à son sommet, parce qu’aucune opération ne contraint l’arbre à demeurer nain : tant que le canal direct de la séve ne sera pas intercepté, il est constant que l’arbre cherchera toujours la perpendiculaire, & poussera des rameaux vigoureux qui suivront à peu de chose près la même direction. Il est rare de les voir, pendant les premières années, décrire avec le tronc un angle de plus de vingt à vingt-cinq degrés ; si, dans les commencemens, on coupe la tige par le pied & près de la terre, les rameaux se multiplieront & s’élanceront comme les bois taillis. Il est donc important chaque année d’arrêter les branches qui s’emportent & de raccourcir les petites bran-