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plétement décidée. Tous deux ont greffé dans des climats peu propres à l’amandier, l’un en Gâtinois, l’autre en Alsace. Ce sont de nouvelles tentatives à faire en Provence, dans le Comtat, dans le Bas-Dauphiné & en Languedoc, où la récolte des amandes forme un objet considérable, & où elle est très-casuelle.

Comme les greffes ne réussissent pas également bien sur tous les sujets, je conseille de se procurer les pieds de différentes espèces de pruniers, & sur-tout des pruniers qui sont les plus hâtifs dans le pays, & les plus vigoureux. On peut, par exemple, greffer sur la prune de Catalogne jaune hâtive, ou sur la prune précoce de Tours, (voyez ces mots) sur la reine-claude, quoique moins hâtive, &c. Pour n’avoir rien à se reprocher, il convient d’essayer également sur les pruniers les plus tardifs. Celui qui réussira complétement, rendra le plus important de tous les services aux provinces méridionales du royaume. Cet objet seroit digne de l’encouragement des états de Provence & de Languedoc ; & l’avantage est si direct pour ces provinces, que ces états devroient faire les frais de ces expériences, & ces frais seroient peu considérables.

Des auteurs ont conseillé sérieusement de découvrir les principales racines des amandiers pendant les rigueurs de l’hiver, & de ne les recouvrir de terre que lorsque les gelées seroient passés. Ce moyen est absurde ; si l’arbre n’en meurt pas ou n’en souffre pas, ses fruits mûrissent aussi promptement ; mais on ne ralentit pas sa végétation, parce qu’on ne peut ralentir les effets de la chaleur de l’atmosphère. L’expérience de la vigne de M. Duhamel n’étoit sans doute pas connue par ces donneurs de conseils.

M. Bernard, dans le mémoire déjà cité, propose un moyen qu’il est bon de connoître, ainsi que la théorie sur laquelle il l’établit. C’est une chose reconnue, que les gelées se font sentir très-vivement près de la surface de la terre ; mais l’on s’apperçoit aisément que leur action s’affoiblit par degrés à mesure qu’on l’observe, à des élévations plus grandes sur le terrain. La vigne pousse beaucoup plutôt, & elle conserve pendant plus long-tems ses feuilles, lorsque l’on donne au cep une certaine longueur pour la marier à quelqu’arbre, que lorsqu’on la cultive, suivant la coutume ordinaire. Les figuiers, les orangers, &c. sont beaucoup plus sujets à périr par les gelées lorsqu’ils sont bas, que lorsqu’ils ont une tige élevée. Les poiriers & les pommiers nains que l’on voit dans les jardins, fleurissent constamment plus tard que les arbres de même espèce qui sont en plein vent & auxquels on retranche peu de branches.

Il faudroit donc, dans les pépinières, après avoir greffé l’arbre, conserver ses premiers jets, ses premières branches basses, pour former, dans la suite, les principales, afin que leur origine fût aussi près qu’il est possible de la surface de la terre. Par le moyen de la taille, on dirigeroit ensuite le mouvement de la séve dans les branches latérales, & on couperoit celles qui, par leur direction & leur vigueur, paroîtroient plus pro-