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l’amandier, portée & implantée sur un autre sujet, ainsi que toutes les greffes quelconques, ne changent point de nature par leur transposition, & suivent le cours des loix physiques. Ainsi la végétation est toujours conforme à l’ordre établi par le créateur, & la main de l’homme ne peut l’y soustraire.

La belle & ingénieuse expérience de M. Duhamel établit mieux que tous les raisonnemens la loi de la végétation. Si on plante, dit-il, un cep de vigne dans une caisse, & qu’on le transporte dans une serre échauffée par des poêles, ce cep poussera, & se garnira de feuilles avant ceux qui sont restés en plein air. Ceci n’offre rien de fort singulier.

Si, après avoir placé cette caisse dans la terre, on fait sortir au dehors l’extrémité du sarment du cep qui y est contenu, on verra que les boutons qui seront dans la serre s’ouvriront & produiront des fleurs & des fruits, pendant que ceux qui seront au dehors resteront fermés jusqu’au tems où la vigne pousse naturellement.

Si on met la caisse en dehors de la serre, & si l’on fait entrer le sarment dans la serre, les boutons de l’extrémité de ce sarment, qui seront dans cette serre, s’ouvriront & produiront des grappes & des feuilles, pendant que ceux qui seront au dehors de la serre, quoique plus voisins des racines que les autres, resteront fermés.

Si la caisse reste en dehors, & qu’on fasse entrer le sarment dans la serre, & qu’ensuite on en fasse ressortir l’extrémité au dehors, alors les boutons de cette extrémité, ainsi que ceux d’auprès des racines, resteront fermés, & ceux du milieu du sarment qui seront dans la serre, végéteront, s’ouvriront & produiront des feuilles, &c.

M, Duhamel conclut avec raison de ces expériences, 1o. que la séve existe dans le bois dans un état convenable à la végétation, qu’il ne lui manque qu’une cause déterminante pour agir ; 2o. que cette cause est la chaleur ; 3o. qu’elle réside dans les boutons qui lui sont exposés. Que de conséquences on tireroit encore de ces expériences ! mais elles nous écarteroient de notre sujet.

La rigueur du froid n’arrête pas, jusqu’à un certain point, la végétation dans les racines. Elle la suspend seulement dans les parties où elle pénètre, & non au dessous ; ainsi, dès que l’air de l’atmosphère a repris le degré de chaleur propre à la végétation de l’amandier, sa végétation, jusqu’alors suspendue, se manifeste dans toute sa force, & plus tard si l’amandier est greffé sur prunier ; par conséquent, il seroit avantageux pour les grandes cultures d’amandier, de suivre ce procédé.

Plusieurs auteurs l’ont indiqué, plusieurs l’ont rejeté. C’est à l’expérience à prononcer. « J’avois fait écussonner à la séve d’Août (c’est M. Duhamel qui parle, dans sa Physique des Arbres, à l’article Greffe) des amandiers sur des pruniers de petit damas noir, sur la foi de plusieurs auteurs qui assurent que, par ce moyen, on rend les amandiers plus tardifs, & moins exposés à être endommagés par les gelées du printems.