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vrières, & que ceux qu’il y trouva ensuite avoient été pondus, selon toute apparence, par elles ; ce fait est si singulier, si contraire aux connoissances qu’on a sur la théorie des abeilles, qu’on doit suspendre son jugement, jusqu’à ce que de nouvelles observations aient confirmé ou détruit le résultat de ces premières expériences. Il est bien étonnant qu’on annonce pour de vraies femelles, des abeilles qu’on avoit été fondé à ne considérer que comme des neutres, puisque les dissections anatomiques que Swammerdam en a faites, ne lui ont jamais rien montré qui fût analogue au sexe & à l’ovaire qu’il avoit si bien trouvés dans les femelles. M. de Réaumur, un des plus grands observateurs dans cette partie de l’histoire naturelle, qui s’est appliqué, pendant bien des années, à examiner & à suivre les abeilles dans les plus petits détails de leur manière de se reproduire, n’y a rien remarqué de semblable aux faits qu’annonce M. Riem : il a toujours observé, au contraire, que des abeilles qui étoient privées de leur reine, ne se livroient plus à aucune sorte de travail, & qu’elles périssoient dans leur domicile, quand elles ne l’abandonnoient pas. Pourquoi prendre ce parti, si elles étoient en état de suppléer au défaut de leur mère, en se donnant des sujets ? M. Schirach, qui supposoit le sexe féminin préexistant dans l’embryon de chaque abeille ouvrière, ne désespéroit pas de découvrir leur ovaire qui avoit échappé aux recherches de Swammerdam : il ne paroît pas cependant qu’il ait été plus-heureux à le trouver, que ce grand physicien. Pour constater des faits de cette nature, une ou deux observations ne suffisent pas ; ce n’est qu’après bien des expériences répétées par plusieurs naturalistes, qui emploient des procédés différens pour arriver au même but, qu’on peut établir quelque chose de certain. M. Riem a fait lui-même les expériences qu’avoit faites M. Schirach, & le résultat en a été absolument différent : un autre observateur peut ne rien découvrir de semblable à ce qu’il a vu, quoiqu’il suive les mêmes procédés.

M. de Braw, dans ses observations sur les abeilles, a cherché à connoître de quel genre d’utilité pouvoient être les faux-bourdons de la petite espèce, que M. de Réaumur avoit très-bien distingués, sans les considérer cependant comme les mâles nécessaires à la reproduction de l’espèce. Cet observateur anglois a remarqué que les faux-bourdons d’une espèce beaucoup plus petite que les autres, & faite pour tromper les naturalistes, à cause de leur ressemblance avec les abeilles ouvrières, introduisoient leur derrière dans les cellules où la reine venoit de pondre, & qu’ils y répandoient une petite quantité de liqueur blanchâtre, moins liquide que le miel, & qui n’en avoit pas la douceur. Tous les œufs arrosés de cette liqueur étoient féconds ; & ceux qui ne l’avoient pas été, demeuroient stériles. Si les faux-bourdons fécondent les œufs en les arrosant de leur sperme, à la manière des poissons, on ne doit plus être étonné de leur nombre prodigieux : ceux de la grosse es-