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celles de M. de Réaumur, en prouvant, par les expériences qu’il a faites, que les faux-bourdons sont absolument inutiles pour féconder la reine-abeille. Dans une lettre qu’il écrit à M. Blassière son confrère, & le traducteur de son Histoire naturelle des Abeilles, en date du 18 juillet 1771, il lui apprend que depuis le commencement d’avril, il a élevé un essaim d’abeilles, dont la mère n’a eu aucun commerce avec les faux-bourdons ; qu’il en possède déjà la seconde génération, & que sans le mauvais tems, qui avoit duré plusieurs semaines, il en auroit tiré une troisième & quatrième ; qu’il espéroit de pousser ses observations aussi loin qu’il lui seroit possible, afin de confirmer par l’expérience, que la reine-abeille est féconde sans l’aide des faux-bourdons. Cette lettre est dans une note du traducteur, à la page 104 de l’ouvrage de l’Histoire naturelle de la Reine des Abeilles. Comme son opinion sur la génération des abeilles sans le concours des mâles, n’est établie que sur les seules expériences qu’il a faites, on ne peut se dispenser d’en rendre compte, afin de connoître par quels procédés il a été conduit à assurer que les faux-bourdons sont inutiles pour la propagation de l’espèce des abeilles.

M. Schirach coupa dans différentes ruches douze portions de couvain, de quatre pouces en quarré, qui contenoient des œufs & des vers, qu’il plaça dans douze petites caisses préparées à cet effet ; il mit une poignée d’abeilles ouvrières dans chacune. Toutes ces caisses furent fermées pendant deux jours, afin de donner le tems à ce petit peuple de faire le choix du ver qu’il voudroit élever à la dignité royale. Le troisième jour il ouvrit six caisses, dans lesquelles il observa des cellules royales, qui contenoient un ver âgé de quatre jours, qui avoit été choisi parmi ceux dont la destination étoit de devenir des abeilles ouvrières. Le quatrième jour les six autres caisses furent ouvertes, M. Schirach remarqua dans toutes des cellules royales, où étoit logé un ver de quatre à cinq jours, & placé au milieu d’une bonne provision de gelée jaunâtre, semblable à celle que M. de Réaumur avoit observée dans les cellules royales. Il prit un ver dans une de ces cellules, & un autre dans une cellule ordinaire ; il les observa avec le microscope, & il ne découvrit entr’eux aucune différence. Au bout de dix-sept jours il y eut dans ces douze caisses quinze reines vivantes, & les abeilles travaillèrent une grande partie de l’été.

Dans toutes ces caisses M. Schirach ne découvrit pas un seul faux-bourdon, & cependant les reines furent fécondes. Il étoit si certain du succès de son expérience, qu’il se fit donner par un de ses amis, un seul ver vivant, renfermé dans une cellule ordinaire ; & avec ce seul ver, ses abeilles se procurèrent une reine, & détruisirent tous les autres vers & tous les œufs qui étoient dans le gâteau.

Il résulte donc des expériences de M. Schirach, 1o. que les trois genres d’individus dans l’espèce des abeilles, se réduisent, dans le principe, à deux, le masculin & le féminin, puisque toute abeille ouvrière peut devenir une reine, si elle est choisie pour cet effet ; 2o. que l’organe