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roi prenoit naissance dans la tête, comme la partie la plus noble de l’animal ; ses officiers sortoient de la moëlle épinière ; & tout le peuple, des flancs & des autres chairs.

Pline, qui a embrassé tous les préjugés ridicules, assure qu’on n’a jamais vu les abeilles s’accoupler, parce qu’il ne les a jamais observées que dans des ruches où une corne transparente ne permettoit guère d’examiner ce qui se passait dans l’intérieur. Mais pourquoi nier l’existence des faits, que des circonstances n’ont pas permis d’observer ! Il étoit persuadé que cette matière qu’elles apportent à leurs jambes, étoit un germe fécond, qu’elles avoient ramassé dans les fleurs, & qui n’avoit besoin que d’entrer en fermentation pour donner naissance à des abeilles. Il accordoit au roi une origine très-distinguée de celle de ses sujets ; les parties les plus choisies qui avoient été ramassées dans les fleurs, contenoient le germe de cet illustre personnage. Les faux-bourdons, qu’il n’appelloit que de vils esclaves, ou des êtres imparfaits, n’étoient engendrés que par la corruption de cette matière. La cire brute étoit donc le germe fécond que les abeilles couvoient, comme les oiseaux, pour en faire naître les individus de leur espèce.

Rucellai, poëte florentin, a parfaitement suivi Virgile dans toutes les fables qu’il raconte. On sait, il est vrai, qu’un poëte s’occupe peu de la vérité des faits : pourvu qu’il les rende d’une manière agréable & intéressante, il croit avoir rempli son objet. Le père Kircher, dont il suffit d’avoir vu l’immense recueil des morceaux les plus curieux de l’histoire naturelle, pour être persuadé de l’étendue de ses connoissances dans cette partie, a suivi les opinions absurdes des anciens sur la génération des abeilles. Quoique Aldrovande, Edwards ne fassent que rapporter les opinions des anciens, il est facile de s’appercevoir qu’eux-mêmes n’en ont pas d’autres. Goëdaert fait naître les abeilles des vers stercoraires. Cette naissance abjecte n’est pas certainement une suite de ses observations ; il y a apparence que de Mey, son commentateur, n’avoit pas mieux observé que lui. La fable du serpent de la Podolie & de la Russie, qui vomit tous les ans deux essaims d’abeilles, étoit propre à figurer avec toutes celles qu’il a plu aux anciens de raconter sérieusement. François Redi s’est élevé fortement contre tous ces préjugés absurdes, que la raison seule, sans le secours de l’expérience, pouvoit détruire. Il étoit réservé aux Swammerdam, aux Réaumur, &c. &c. de nous instruire sur l’histoire naturelle des abeilles, par le résultat de leurs observations : leurs expériences ont dévoilé les mystères de la nature, & ont augmenté nos connoissances ; ce sont eux qui nous ont appris que la nature n’avoit point dispensé les abeilles de la règle commune que suivent les êtres dans la reproduction de leurs espèces, & qu’il falloit les placer dans la classe des individus qui sont engendrés par le concours du mâle & de la femelle.


Section II.

Opinions des Philosophes modernes sur la génération des Abeilles.


La plupart des naturalistes qui