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de deux principes opposés ; l’un, très-abondant, est dangereux pour l’homme, mais utile au végétal ; les plantes se l’approprient & en diminuent la quantité : l’autre, au contraire, convient à l’organe de notre respiration & à notre constitution : les plantes qui l’absorbent d’abord, nous le rendent avec une espèce d’intérêt, puisqu’il sort de leurs pores, pur, salubre, respirable & dégagé d’une base pernicieuse. Dans les villes, rien, pour ainsi dire, n’élabore & ne purifie la quantité étonnante d’air fixe qui s’émane à chaque instant & de notre sein & des eaux croupissantes, & de toutes les substances qui peuvent fermenter. Après ce simple parallèle, peut-on balancer un instant entre ces deux airs si différens ? Ne doit-on pas plaindre ceux que la nécessité ou l’intérêt enchaînent par de dures entraves dans l’enceinte des villes, & en même tems envier le sort de ces êtres privilégiés qui jouissent sans cesse de l’air pur & céleste de la campagne ?

La nature répand avec profusion l’air déphlogistiqué autour de nous ; l’homme a trouvé des moyens de le recueillir, afin d’être à même de l’étudier. Deux moyens faciles s’offrent à son industrie. Prenez un grand bocal que vous remplirez d’eau, renversez-le dans un autre vase, de façon que son orifice touche l’eau, & que la masse du fluide reste suspendue dans le bocal ; introduisez dedans des feuilles de quelque plante que ce soit, & exposez le tout à la lumière du soleil : les feuilles se couvriront bientôt de bulles d’air qui, se détachant de leurs surfaces, se porteront en haut vers le fond du bocal, & s’y rassembleront ; on en obtiendra par là une très-grande quantité. La chimie offre un procédé plus prompt : c’est celui de rassembler le fluide qui se dégage par la revivification des chaux métalliques, au feu seul. On renferme dans un petit matras une quantité de chaux de mercure, connue sous le nom de précipité rouge ; on lute au col de ce vaisseau un tube communiquant de la longueur de quinze à dix-huit pouces, qui va s’ouvrir sous un récipient plein d’eau, dont l’ouverture est plongée dans l’eau ; on renferme la boule du matras dans un réchaud rempli de charbons allumés, & on anime le feu avec un soufflet. Bientôt l’action véhémente du feu, car il faut qu’elle soit telle, revivifie une portion de cette chaux ; & il s’en dégage à proportion une quantité d’air déphlogistiqué plus ou moins abondante, qui se porte, par le tube communiquant, dans le récipient, & s’accumule vers son fond, dont il chasse l’eau à mesure. Il n’est donc pas difficile d’amasser une très-grande quantité d’air déphlogistiqué.

Nous avons vu l’air fixe servir de remède dans bien des maladies : ne pourroit-on pas tirer parti de l’air pur par excellence, pour les maladies dans lesquelles une trop grande abondance de phlogistique seroit dégagé du sang, comme les fièvres inflammatoires, ou encore dans les maladies où il faudroit respirer un air très-pur, dans les phthisies pulmonaires, les asthmes ? C’est le sentiment de l’abbé Fontana, & de M. Ingen-House. Nous pensons comme eux, & nous croyons que l’inspi-