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feuilles coupées par morceaux sont entassées dans un tonneau, & que l’on laisse entrer en fermentation vineuse : toute substance dans cet état contient une très-grande quantité d’air fixe. En général, tout régime végétal qui fournit abondamment ce fluide, est le plus approprié à la disposition de ceux qui sont attaqués du scorbut ou de quelque vice scorbutique.

Les maladies cancéreuses trouvent un très-grand soulagement par l’application de l’air fixe ; s’il n’est pas un remède constamment curatif, il est néanmoins le meilleur palliatif & le plus sûr qu’on puisse employer. Certainement ce remède, administré tant intérieurement qu’extérieurement dans cette maladie, par un homme habile & instruit, aura de très-grands succès. Mais il faut du ménagement dans son usage. Voici comme on peut s’en servir dans cette occasion. On prend deux vessies dont on lie fortement l’embouchure de chacune à un tuyau, comme, par exemple, un morceau de pipe, qui fait la communication de l’une à l’autre. Coupez le fond d’une de ces vessies, de façon qu’il reste comme une manche pendante. Remplissez la vessie entière d’air fixe en la posant sur un flacon d’où il se dégage de l’air fixe par un mélange de craie & d’huile de vitriol. Quand elle sera pleine, il suffit d’envelopper un peu la demi-vessie autour du tube pour empêcher l’air de s’échapper. Veut-on s’en servir ? on applique la vessie coupée tout autour de la mamelle & du cancer, de façon qu’ils en soient bien enveloppés, & que l’air ne puisse s’échapper. Alors, pressez petit à petit la vessie pleine pour que l’air fixe sorte. On verra dans peu de tems que la quantité d’air fixe diminue considérablement & est absorbée par le cancer. Cette opération durera une demi-heure tout au plus, & on peut la répéter au moins deux fois par jour. Comme il paroît certain que les cancers, si l’on en excepte ceux qui viennent à la suite d’un coup, dépendent d’un principe intérieur vicié, on aura soin de faire usage de boisson aérée ou d’eau imprégnée d’air fixe.

M. Champeaux, chirurgien très-distingué de la ville de Lyon, dans son mémoire, couronné par l’académie royale de chirurgie de Paris, sur cette question : « Comment l’air, par ses différentes qualités, peut-il influer dans les maladies chirurgicales, & quels sont les moyens de le rendre salutaire dans le traitement ? » rapporte plusieurs applications de l’air fixe, qui lui ont parfaitement réussi. Une femme âgée de soixante-dix-sept ans, se cassa la jambe gauche à quatre travers de doigt au-dessous de la rotule. Les mauvais traitemens d’une rhabilleuse produisirent un gonflement considérable, suivi de phlyctènes pleines de sanie séreuse & noirâtre. Un bandage arrosé de quatre en quatre heures avec de l’eau saturée d’air fixe, diminua bientôt l’engorgement ; les phlyctènes se desséchèrent, & la fracture fut réduite… Un homme avoit, depuis six mois, deux ulcères fongueux à l’anus, dont on ne pouvoit obtenir la cicatrice ; une compresse trempée dans l’eau saturée d’air fixe, & souvent renouvelée, ferma la plaie dans trois jours… Un ulcère calleux à la jambe droite,