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ceau de bois qui se trouvoit hors du récipient, ne sortoit pas dans l’eau au bout du bâton par l’écorce, ou par ses parties voisines seulement, mais il s’échappoit aussi de la substance totale & intérieure du bois, & même d’un des plus gros vaisseaux de ce bois, comme il étoit facile de le remarquer par la grandeur des bases des bulles d’air attachées à la coupe du bâton. M. Hales conclut de ces expériences, que l’air entre avec beaucoup de liberté dans les plantes, non-seulement avec le fond principal de la nourriture par les racines, mais aussi à travers la surface de leurs tiges & de leurs feuilles, sur-tout la nuit, lorsqu’elles passent de l’état de la transpiration à celui d’une forte succion.

Quelque frappante que soit l’expérience du savant anglois, ne peut-on pas lui objecter que, dans cette occasion, si l’air pénètre à travers l’écorce, c’est le poids de l’atmosphère, dont l’équilibre est changé dans le récipient, qui se détermine à se frayer des routes qui ne lui sont pas naturelles ? Sans doute qu’ici la pesanteur de la colonne d’air, qui repose sur toute la surface du morceau de bois hors du récipient, & qui n’est plus contre-balancée par celle de l’intérieur, puisqu’on a fait le vuide, est une cause déterminante de la grande quantité d’air qui passe à travers l’écorce ; mais du moins cette expérience nous apprend que l’air peut s’introduire à travers l’écorce, dans le corps des végétaux : ce qui nous est confirmé démonstrativement par l’expérience suivante de l’auteur des Réflexions sur l’Agriculture, M. Fabroni. Le 25 janvier 1774, il exposa un amandier nain, dans un pot à fleur, hors de la fenêtre d’un petit cabinet, & ayant pratiqué un trou dans le chassis, il introduisit un jet de cet amandier dans son cabinet, & il luta le trou tout autour de l’écorce. Le cabinet étoit presque constamment échauffé au quinzième degré du thermomètre de Réaumur ; & l’on entretenoit sur le pavé toujours du fumier frais. Ce jet en peu de jours commença à épanouir ses boutons, à se couvrir de fleurs, & ensuite de feuilles. À la fin de Février il voulut le retirer ; mais il ne fut plus possible de le faire sans casser le verre, parce que, quoique le trou fût plus large qu’il ne falloit au commencement de l’expérience, le jet étoit grossi de façon à ne pouvoir plus le retirer. Le reste de la plante qui étoit hors de la fenêtre, n’avoit point donné encore le moindre signe de végétation ; par conséquent, point de séve en mouvement, point de nourriture par les racines. L’extrémité du jet qui étoit dans le cabinet, fut nourrie par les seules émanations du fumier frais ; & ces émanations n’étoient parvenues à pénétrer l’épiderme de l’écorce, qu’à la faveur de l’air qui leur servoit de véhicule ; car il est certain que pour pousser des boutons, pour produire des feuilles lorsqu’il n’y en a pas, il faut bien que la nourriture entre par quelque partie ; & ce n’étoit que par l’écorce dans l’expérience que nous venons de rapporter. Le poids de l’atmosphère n’est pas ici la cause de l’introduction de l’air ; il ne faut l’attribuer uniquement qu’à la force naturelle dont les végétaux sont doués pour le pomper & se l’approprier.