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& de substances hétérogènes comme dans les lieux bas, marécageux, dans le sein & dans le voisinage des grandes villes, il ne s’oppose point à la transpiration insensible, & n’altère aucun organe par des miasmes pestilentiels. Aussi dans cette région, dans le passage de la première à la seconde zone, la nature est plus féconde & plus riante, la végétation plus généreuse, & les hommes plus sains & plus heureux. C’est sous ce ciel toujours serein, & sur ce sol toujours riche & fertile, que l’homme trouve la force du corps, la santé de l’esprit, la tranquillité de l’ame ; enfin le germe, tant moral que physique, de toutes les vertus, & non dans le sein des grandes habitations, où l’air épais & grossier semble influer avec tant d’énergie sur les facultés intellectuelles.

§. III. De l’élasticité de l’air, & de ses effets.

Si l’air n’étoit que fluide & pesant, & qu’il ne jouît d’aucune élasticité, il nous accableroit par son poids, & s’opposeroit aux mouvemens & à la circulation des fluides ; mais le ressort dont il jouit essentiellement à un degré très-considérable, lui donne la propriété de réagir contre lui-même, & établit un équilibre général dans toutes ses parties. Doué d’une élasticité presqu’aussi entière que celle dont la lumière jouit, tantôt il peut céder à l’impression des corps en rétrécissant son volume, & se rétablir ensuite dans la même forme & sous la même étendue, en écartant la cause qui l’avoit resserré ; tantôt obéissant à l’impulsion d’un nouveau fluide qui le pénètre, il se dilate tant qu’il le retient dans son sein ; mais dès qu’il s’est échappé, il rentre dans ses premières limites. L’élasticité de l’air est donc susceptible de condensation & de dilatation. Le froid, & des poids considérables, peuvent le comprimer jusqu’à un certain point, lui faire occuper un moindre espace, sans cependant le réduire à zéro. La chaleur & le feu le dilatent nécessairement : à la température de l’eau bouillante, d’un tiers ; de deux tiers à la chaleur du verre fondu ; & dans certaines expériences, il occupe un espace soixante & dix fois plus grand ; & suivant Musschenbroeck, quatre milles fois plus étendu.

L’air étant si susceptible de dilatation & de condensation, ce mouvement alternatif, joint à la pression qu’il exerce continuellement, joue le plus grand rôle dans la nature, y produit les plus grands effets, & peut-être est-il le principe de la vie de tous les êtres. Nous allons parcourir les principaux.

Nous avons déjà vu que la colonne d’air qui repose sur toute la surface du corps de l’homme, le presse avec une force égale à sa hauteur. Cette colonne d’air équivaut à une colonne d’eau de même base de trente-deux pieds de hauteur. La taille moyenne de l’homme est de cinq pieds, & présente, toute évaluation faite, environ quatorze pieds de surface. Ainsi l’homme supporte donc quatorze colonnes d’air d’un pied quarré de base, ou ce qui revient au même, le poids de quatorze colonnes d’eau d’un pied quarré de base, & de trente-deux pieds de hauteur, ce qui fait un poids de trente-un mille trois cents