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cieux, moins spiritueux que ceux de la première division du bassin du Rhône, & ceux-ci encore moins généreux que ceux de la seconde division. Je ne compare pas ici la délicatesse & l’aromat de ces vins entr’eux ; il ne s’agit que de cette portion spiritueuse qui les constitue vin, & qu’on retire par la distillation. Il faut cependant convenir que l’approximation du midi doit être comptée ; mais comme on l’a déjà dit en parlant du Rhône, ses effets ne sont pas suivant la distance, mais suivant les abris.

À mesure que les abris s’abaissent pour former la seconde division du bassin de la Seine, les vins perdent immensement de leurs qualités ; ils deviennent plats, foibles comme dans les environs de Paris, & le long du cours de la Seine de Paris à Rouen. Enfin, plus l’abri est abaissé, plus l’intensité de chaleur diminue, & il arrive très-souvent que le raisin ne mûrit pas. Le cidre le remplace en Normandie depuis le treizième siècle à peu près : les pommiers à cidre ont été apportés de la Navarre espagnole. Ils sont indigènes dans les environs de Pampelune ; & s’ils ne sont pas greffés en Normandie, ils donnent du mauvais cidre.

Les rivières qui concourent à former ce second bassin, sont la Seine, l’Armançon, l’Yonne, l’Ouin, l’Aure, l’Oise, la Marne, &c. Que l’on considère actuellement les bords de ces rivières, dont le cours est lent & paisible, & on jugera du degré de leur fertilité par les dépôts qu’elles forment. Supposons pour un instant que le cours de la Seine soit isolé, par exemple, depuis Paris jusqu’à Rouen, & que les dépôts aient été formés par les seules eaux de la Seine, abstraction faite de toutes les eaux qu’elle reçoit ; ces dépôts seront peu fertiles, parce qu’elle charie un sable presque tout composé de débris des silex, & le silex nuit à la végétation. Au contraire, s’il se présente quelques dépôts terreux, ils seront dûs à l’Yonne, à l’Oise, à la Marne, &c. Il seroit trop long de suivre ici le cours de chaque rivière en particulier. L’homme qui traversera les provinces renfermées dans ce second bassin, observera ces rivières dans leurs crues, & examinera quelle est la nature de la terre ou du sable qu’elles charient ; par cela seul il aura une idée exacte de la fertilité du sol qui les avoisine.

Le vin forme la principale production de la partie supérieure de ce bassin. La craie s’oppose à la culture du bled, c’est-à-dire, qu’il n’y a nulle comparaison entre les récoltes, en ce genre, de la partie inférieure avec la supérieure ; & encore le pays crayeux de l’inférieure ne vaut pas mieux. La craie retient trop l’eau, ou plutôt l’eau ne peut pas la pénétrer, ni la diviser, & par conséquent les racines des plantes s’y insinuer. Ces provinces sont très-heureuses d’être souvent arrosées par les pluies, & de ne pas éprouver les chaleurs & la sécheresse qu’on ressent dans les provinces méridionales ; autrement tout ce qui est craie seroit infertile.

L’abondance des pâturages de la Normandie sert à multiplier les bestiaux, à entretenir des haras ; & tout ce qui n’est pas dépôt de la Seine est un terrain précieux, dont