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vons que soupçonner, il est certain qu’ils annoncent de la prévoyance, puisque l’essaim commence à travailler dès qu’il est établi, sans avoir été chercher les matériaux dont il a besoin pour construire son édifice.

Le moment qui précède le départ d’un essaim est toujours annoncé par un bourdonnement considérable & plus fort qu’à l’ordinaire. On voit alors sortir les abeilles avec vitesse & précipitation, & prendre leur essor. Soit que la jeune reine se mette à la tête des premières qui partent, ou qu’elle vienne ensuite avec la troupe la plus nombreuse, on voit sur-le-champ une foule d’abeilles suivre les premières, & aller se poser à l’endroit qu’elles ont choisi. Dans moins d’une minute tout l’essaim est en l’air, dès que le signal du départ a été donné par les premières qui sont sorties de la ruche. Il faut alors être prêt à le suivre pour reconnoître l’endroit où il ira se fixer.


Section IV.

De quelle espèce & de quel nombre d’Abeilles un Essaim est-il composé.


Swammerdam croyoit qu’un essaim étoit toujours conduit par l’ancienne mère de la ruche, qui cédoit son empire aux jeunes pour courir les risques d’un nouvel établissement ; que les faux-bourdons restoient ordinairement dans la ruche où ils étoient nés : sans doute que la reine avoit pris ses précautions avec eux avant son départ, pour prévenir la stérilité dont ne s’accommoderoient pas les abeilles, & qui lui seroit funeste à elle-même, puisque les ouvrières savent se défaire d’une reine qui ne leur donne point de compagnes, & qu’elles ne craignent point de la faire mourir pour la punir d’une infécondité qui ne dépend point d’elle.

Un essaim est toujours composé d’une reine, & quelquefois de deux ou trois : cette reine n’est point la mère de la ruche d’où l’essaim est parti, mais une jeune femelle née depuis cinq ou six jours. Ses ailes bien conservées, transparentes & souvent toutes fraîches, sont les signes de sa jeunesse : l’ancienne reine, au contraire, a les ailes frangées aux extrémités, ou déchiquetées ; ce qui est une marque de vieillesse chez les abeilles, comme les rides du visage le sont parmi nous. Trois ou quatre cents faux-bourdons suivent la colonie, & vont former le sérail où la jeune reine ira se livrer au plaisir, & se délasser des peines du gouvernement. Quinze ou vingt mille ouvrières, quelquefois davantage, forment le gros de l’émigration, & vont faire preuve des talens dont la nature les a pourvues. Les abeilles qui ont suivi la jeune reine sont de tout âge : on distingue les jeunes des vieilles par la couleur & les ailes ; les jeunes sont plus brunes, & ont des poils blancs, & leurs ailes sont bien entières : les vieilles ont les anneaux moins bruns, des poils roux, & leurs ailes sont un peu déchiquetées ou frangées aux extrémités. Dans un essaim, on observe des abeilles de ces deux couleurs, & d’autres qui ont des nuances moyennes. Si on examine la ruche d’où l’essaim est parti, on y trouvera des jeunes & des vieilles abeilles ; celles qui étoient aux ouver-