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qu’on peut braver la fureur des abeilles, & se mettre à couvert de leurs aiguillons, en se frottant simplement les mains & le visage avec sa propre urine ; je crois que le parti le plus sage est de ganteler ses mains, de défendre sa tête par un casque, & de se cuirasser : ce n’est qu’avec une telle armure qu’on peut s’approcher, & livrer l’assaut à la place qu’on veut dépouiller. Les gens de la campagne, moins timides ou peu délicats, négligent assez communément ces sortes de précautions qu’ils regardent comme trop gênantes. Cependant pour n’être pas exposé aux piquûres, il est bon d’avoir sur sa tête un capuchon en forme de camail, dont le devant soit garni d’une gaze un peu forte, qui permette de voir opérer ; d’avoir de bons gants aux mains, & d’envelopper ses jambes avec des serviettes. Avec tout cet attirail, on peut approcher de la ruche qu’on veut tailler, sans craindre d’être insulté par les abeilles.

La veille du jour qu’on a fixé pour tailler les ruches, il faut, à l’entrée de la nuit, les détacher de dessus leur support, en ôtant avec un couteau le pourjet qui les y tenoit collées ; si on n’a point de gelée à craindre pendant la nuit, on peut les renverser sur le côté. Le lendemain, avant le lever du soleil, on enfume la ruche pendant quelques instans. (Voyez la Sect. 4e du 7e Ch. de cette troisième Partie, pag. 126) Lorsque les abeilles sont au sommet, où la fumée les a obligées de se retirer, on prend la ruche, qu’on renverse sens dessus dessous sur une chaise ou sur tout autre appui qui la soutienne à une hauteur commode pour opérer avec aisance. Pour couper les gâteaux dont on veut s’emparer, on se sert d’un couteau dont la lame, longue & bien affilée, est recourbée au bout en forme de serpette : alors, connoissant les gâteaux qui contiennent le couvain, on les épargne, & on coupe indifféremment ceux qui renferment le miel dans quelque endroit de la ruche qu’ils soient placés : afin que les abeilles ne se trouvent pas sous le tranchant du couteau, on les oblige à se retirer de dessus les gâteaux qu’on veut tailler, avec la fumée d’un linge qu’on fait brûler au bout d’un bâton, & qu’on dirige vers elles. La principale difficulté consiste à enlever le premier gâteau, parce que si la ruche est bien pleine, on a peu d’espace pour que la main puisse entrer & agir librement pour enlever ce qu’on a coupé. On a donc soin de détacher avec le couteau le gâteau des parois de la ruche, & de le couper au fond pour le prendre avec la main & le sortir ; on le place ensuite dans une corbeille qu’on a à côté de soi, ou dans quelque vase préparé pour cet effet. Après avoir coupé tout ce qu’on vouloit prendre, on ramasse tous les morceaux de gâteaux qu’on auroit pu briser, on coupe l’extrémité de ceux qui restent dans la ruche, pour ôter toute la vieille cire & celle qui seroit moisie : on remet la ruche à sa place, en observant que l’endroit où l’on a le plus coupé doit se trouver sur le devant : étant exposé au soleil, les abeilles y travailleront plus volontiers pour réparer leurs pertes ; & en coupant à la première taille