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dans lequel on mêle un cinquième de vin qui le rend plus liquide, & que les abeilles enlèvent plus aisément. On met la quantité de miel qu’on destine aux abeilles, avec le vin, sur un feu clair, & on les remue afin qu’ils se mêlent bien ensemble ; on peut y ajouter une petite quantité de sucre qu’on fait fondre, elles mangeront cette espèce de sirop avec plus d’appétit.

Quand on manque de miel, ou qu’on n’en a pas autant qu’il seroit nécessaire pour en donner aux abeilles la quantité qu’il leur faut, on peut y suppléer par un jus de poire, dont elles s’accommodent fort bien.

On pile pour cet effet ces poires, & on en exprime le jus : après qu’il est reposé, on le verse doucement dans un autre vase, afin que le marc, qui est au fond, ne se mêle pas avec la liqueur : sur ce jus de poire, on met un quatrième de miel, ou bien de cassonnade, si on en manque, & on fait bouillir le tout jusqu’à réduction du tiers. On ne doit faire ce sirop qu’à mesure qu’on en a besoin : s’il étoit conservé, il aigriroit, fermenteroit ; il seroit par conséquent perdu, parce que les abeilles n’en voudroient pas. Quand on manque de poires, les pommes douces sont aussi bonnes pour faire ce sirop. Tous les fruits généralement, cuits au four dans leur jus, sont une nourriture qu’on peut donner aux abeilles dans des tems de disette. En été, elle peut tenir lieu de toute autre, jusqu’à la saison où les abeilles ne sortent plus de leur domicile, ou n’en sortent que rarement : ce n’est pour elles qu’un aliment journalier ; elles n’en font pas un amas dans leurs magasins, comme elles le font des sirops qu’on leur donne.

Ces différentes sortes de nourriture sont ce qu’on peut procurer de mieux aux abeilles qui n’ont plus de provisions ; l’expérience qu’on en fera est seule capable de convaincre de leur utilité. Quelques auteurs conseillent une purée de lentilles, de féves ou de pois, dans laquelle on mêle un peu de miel pour la rendre douce, afin d’engager les abeilles à s’en nourrir ; d’autres leur donnent des tranches de pain imbibées de vin, dans lequel on a délayé du miel ; d’autres conseillent enfin de la farine d’avoine mêlée avec du sucre : mais tous ces alimens ne conviennent point aux abeilles ; si elles s’y jettent d’abord, c’est qu’elles sont pressées par la faim, & elles se retirent toujours sans être rassasiées.

Les abeilles sont si modérées dans la consommation qu’elles font des alimens dont on les pourvoit, qu’on pourroit s’en rapporter à leur discrétion & à leur économie : cependant il est à propos de se borner à ce qui leur est nécessaire, soit pour éviter la dépense, soit aussi afin que leurs magasins ne soient pas remplis de ce qu’on leur a donné, quand elles trouveront dans la campagne de quoi les fournir. Quelque peuplée que soit une ruche, une livre & demie de miel ou de sirop est toute la quantité qu’elle peut consommer dans un mois : on leur donne cette nourriture avant l’hiver, afin qu’elles l’enlèvent pour la porter dans leurs magasins. Il