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battre : la garde ordinaire suffit pour leur disputer le passage, s’opposer à leurs incursions, & les éloigner : bien plus forts que les abeilles quand ils combattent avec elles tête à tête, ils n’ont pas autant de courage ni d’adresse : lâches & poltrons naturellement, ils ne prennent le parti de la violence & de l’attaque, que quand ils se sentent bien supérieurs aux abeilles. Rarement ils s’attroupent en assez grand nombre pour livrer un assaut ou une bataille ; ils ne font qu’une guerre de surprise & de trahison : en rôdant tout autour des ruches, ils choisissent des postes avantageux pour attaquer les abeilles au retour de leur voyage ; alors, malheur à celles qui donnent dans l’embuscade ; ils tombent sur elles, les égorgent pour dévorer le miel qu’elles apportent. Peu d’abeilles sont les victimes de ces cruels ennemis, & le nombre de celles qui tombent dans leurs pièges n’est point assez grand pour affoiblir une ruche.

On pourroit les détruire en plaçant au-dessus des ruches des bouteilles où l’on mettroit de l’eau avec du miel, dans lesquelles ils iroient se noyer. Mais cet expédient n’est point praticable, parce que les guêpes, les frélons ne seroient pas les seuls attrapés ; les abeilles, qui aiment aussi la douceur, donneroient imprudemment dans le piège qu’on auroit dressé pour leurs ennemis. Le meilleur moyen de les en délivrer, c’est de chercher leurs nids autour des ruches & des bâtimens voisins, & de les détruire.

On veut que la fourmi soit au nombre des ennemis des abeilles ; elle est trop prudente pour s’exposer aux coups d’aiguillons, dont sa témérité seroit punie, si elle hasardoit de s’introduire dans une ruche : elle ne va que dans celles qui sont abandonnées, recueillir les restes des provisions qu’on a négligé de ramasser, ou qu’on abandonne à son appétit. Ce n’est pas qu’elle ne soit très-friande du miel, dont elle se nourriroit avec plaisir ; sa gourmandise s’en accommoderoit à merveille, s’il n’y avoit point de péril à craindre ; mais elle préfère une vie frugale à un moment de bonne chère qui lui coûteroit la vie. L’hiver est la saison où elle pourroit impunément satisfaire son goût pour le miel ; mais, ainsi que l’abeille, elle est renfermée dans sa retraite, & ne songe point à en sortir. Il est très-facile de détruire les fourmilières voisines des ruches, en versant dessus de l’eau bouillante, après avoir remué la terre pour faire sortir les fourmis : quand on veut les empêcher de s’y établir & les éloigner, on sème quelques graines d’échalotes, dont elles n’approchent jamais.

Les araignées en veulent aux abeilles, & non pas à leurs provisions : ce sont des animaux carnaciers, qui ne satisfont point leur appétit avec du miel, qui est pour eux une nourriture trop délicate, & qu’ils dédaignent. S’ils peuvent pénétrer dans une ruche à l’insu des abeilles, ils se logent dans quelques coins pour y tendre leurs filets, afin d’y attraper celles qui ont l’imprudence de s’y laisser prendre : les dégâts qu’ils font sont trop peu considérables pour nuire à la population d’une ruche ; mais les abeilles, qui ne s’accommodent point