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que cinq ou six à la fois : pour cet effet, on place à la porte de la ruche une petite planche fort mince qu’on perce de cinq ou six trous seulement, & assez grands pour qu’une abeille puisse y passer sans gêne ; par ce moyen, elles ne sortent que peu à la fois : celles qui n’ont aucune nécessité de le faire, n’en sont point tentées, & elles restent paisiblement, sans s’agiter & s’échauffer dans leur habitation.

Dès que les premières gelées arrivent, il faut absolument condamner les abeilles à la retraite, en fermant les portes de leur domicile, afin qu’elles ne soient point tentées de sortir malgré le danger qu’il y auroit pour elles : quand même le soleil paroîtroit dans la journée, on ne doit point leur rendre la liberté ; cette chaleur momentanée les engageroit peut-être à s’éloigner un peu trop ; & surprises par le froid qui succéderoit, elles resteroient engourdies dans la campagne, où elles mourroient infailliblement, victimes de leur imprudence. On ne sauroit être trop exact à les tenir renfermées, dès que les premières gelées arrivent ; il en périt plus par ces petits froids qu’on éprouve à l’entrée & à la sortie de l’hiver, que dans les tems les plus rigoureux, parce qu’alors elles sont dans l’impuissance de sortir, quand même elles en auroient la liberté. Tant qu’elles sont bien fermées dans leur habitation, en usant de quelques précautions, on les garantit du froid excessif. Mais lorsqu’elles sont répandues dans la campagne, comment les préserver de celui qu’elles ressentent, qui les engourdit, & leur ôte les forces de retourner à leur domicile ?


Section II.

Des précautions qu’on doit prendre, quand on interdit aux Abeilles la sortie de leur Ruche.


Quoiqu’il faille condamner les portes des ruches, pour empêcher les abeilles de sortir, ce n’est pas à dire qu’on doive les boucher absolument, & les fermer de manière qu’elles n’aient plus de liberté ; il faut faciliter la circulation de l’air, afin que celui de l’intérieur se renouvelle : pour cet effet, on adapte à l’ouverture des ruches un grillage en fil de fer, ou une planche percée de petits trous par lesquels les abeilles ne peuvent passer ; par ce moyen, on les tient absolument renfermées, sans les priver du courant d’air qui leur est nécessaire. Si elles étoient fermées hermétiquement dans leur domicile, elles y respireroient le même air pendant plusieurs mois de suite, & elles y étoufferoient nécessairement : les ordures & les cadavres de celles qui meurent, occasionneroient des exhalaisons très-mauvaises, des vapeurs humides qui ne pourroient point sortir, & qui feroient moisir la cire, corromproient le miel, & empoisonneroient les abeilles. Dans les tems froids, ces vapeurs seroient attachées en glaçons contre les parois intérieures de la ruche & sous les gâteaux ; elles rendroient par conséquent l’habitation très-froide. Les personnes qui n’ont pas toute l’expérience qui est nécessaire pour gouverner les abeilles, s’imaginent