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JEAN RIVARD

voit revivre dans ses enfants, et passe ainsi des jours paisible, exempt de tous les soucis de la vanité, sous les ailes de l’amour et de la religion. C’est une vieille pensée que celle-là, n’est-ce pas ? Elle est toujours vraie cependant. Si tu savais, mon cher ami, combien de fois je répète le vers de Virgile : Heureux l’homme des champs, s’il savait son bonheur. »[1]

Ce que nous avons déjà cité de Jean Rivard pourrait suffire à en caractériser le style. Rarement Gérin-Lajoie y vise l’effet littéraire. Il n’a besoin de mots que pour exprimer sa pensée, et signifier les choses. Il dédaigne les ornements frivoles dont les romanciers décorent volontiers leurs livres ; et il veut, écrivain canadien, faire voir nettement et simplement des choses canadiennes.

Au reste, Gérin-Lajoie est un classique : je veux dire qu’il admire par-dessus tout le grand siècle, et qu’il n’a qu’une estime médiocre pour les stylistes du dix-neuvième siècle. Gustave Charmenil, entre deux danses d’un bal donné par rtiadame Du Moulin, cause de littérature avec mademoiselle Du Moulin : « Notre siècle, lui dit-il, ne peut guère se vanter, il me semble, de ses progrès en littérature, et je crois que la lecture des grandes œuvres des siècles passés est encore plus intéressante, et surtout plus profitable que celle de la plupart des poètes et littérateurs modernes. »[2] C’est l’opinion de Gustave Charmenil ; et c’est aussi l’opinion de Jean Rivard, et partant celle de Gérin-Lajoie. Jean Rivard, faisant visiter sa bibliothèque à Gérin-Lajoie, lui dit pourquoi il n’a guère acheté de livres nouveaux : « On cherche en vain dans la plupart des écrivains modernes ce bon sens, cette justesse d’idées et d’expressions, cette morale pure, cette

  1. Jean Rivard, I, 45.
  2. Jean Rivard, I, 132.