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JEAN RIVARD

naturellement sensible aux beautés de la nature, et les spectacles grandioses, comme les levers et les couchers du soleil, les magnifiques points de vue, les paysages agrestes, étaient pour lui autant de sujets d’extase. »[1] L’automne dans les bois, avec son décor changeant et ses couleurs si vives, procurait à Jean les plus douces émotions. Et l’hiver lui-même, le premier hiver qu’il passa dans la forêt, lui apparut éclatant à la fois de blancheur et de gaieté.

« La terre, déclare l’auteur en un style qui rappelle un peu le rhétoricien inexpérimenté qu’était Jean Rivard, la terre lui apparut comme une jeune fille qui laisse de côté ses vêtements sombres pour se parer de sa robe blanche. Aux rayons du soleil, l’éclat de la neige éblouissait la vue, et quand la froidure ne se faisait pas sentir avec trop d’intensité, et que le calme régnait dans l’atmosphère, un air de gaieté semblait se répandre dans toute la forêt. Un silence majestueux qui n’était interrompu que par les flocons de neige tombant de temps en temps de la cime des arbres, ajoutait à la beauté du spectacle. Jean Rivard contemplait cette scène avec ravissement. »[2]

N’y avait-il pas jusqu’à l’ouragan secouant la forêt, et la faisant mugir comme une mer en furie qui faisait entrer l’âme du jeune colon dans les plus vifs transports ? « Il ne pouvait alors rester assis dans sa cabane, et mettant de côté ses livres ou ses outils, il sortait en plein vent pour contempler le spectacle des éléments déchaînés ; il se sentait comme en contact avec la nature et son Auteur. »[3]

Idéaliser sa vie, c’est-à-dire répandre, à force d’imagination et à force de sentiments, sur tout ce qui l’entourait, les couleurs et les impressions les plus riantes, et rapporter à quelques souvenirs classiques les événements

  1. Jean Rivard, I, 40.
  2. Jean Rivard, I, 52.
  3. Jean Rivard, I, 52.