le profit qu’il peut y avoir à souder une thèse au récit d’un roman. La thèse a sans doute ici trop absorbé le roman ; elle l’a mis en péril, mais nous pensons cependant que c’est pour cette thèse elle-même, et pour les idées justes qu’elle renferme, et pour les suggestions heureuses qu’elle propose, que le roman de Jean Rivard, devenu enfin actuel parce qu’il est social, mérite de reparaître à la surface de notre vie littéraire.
Nous ne pouvons dégager du texte de ce livre toutes les idées générales et toutes les théories qu’il développe ; nous n’en pouvons dire tout ce qui peut et doit intéresser et retenir le lecteur d’aujourd’hui.
La question de la colonisation y est évidemment celle-là que Gérin-Lajoie a voulu surtout étudier ; c’est celle-là dont il recherche le plus activement la solution, et c’est celle-là dont s’inquiète encore avec une anxiété toujours incertaine l’esprit public. Aussi, loin de réduire et de ramener toute cette question aux seuls intérêts de Jean Rivard, l’auteur en a agrandi et élargi le point de vue ; elle devient dans ce livre, ce qu’elle est en effet, une question d’importance et de vie nationales.
Et si nous voulions ici ramasser, réunir les fragments épars des théories de Gérin-Lajoie, les synthétiser et les systématiser, nous devrions faire voir comment il subordonne d’abord le problème de la colonisation à cet autre, déjà posé en 1860, qui est celui de l’émigration des Canadiens aux États-Unis, et à celui-ci qui est d’ouvrir à l’activité des jeunes, même instruits, et surtout peut-être à ceux qui sont instruits, la carrière utile et noble de l’agriculture. Les jeunes gens s’en vont aux États-Unis, ou bien, et parmi ces derniers beaucoup ont fait une partie de leurs études classiques, ils accourent dans les villes pour y végéter, comme cet ami de Jean Rivard, Gustave Charmenil, qui n’est pas autre, dans ce livre, que l’auteur lui-même : Gérin-Lajoie ayant subi à sa sortie du collège l’attraction des grands centres, et ayant cherché, à New-York d’abord, puis à Montréal, une vie de scribe beso-