Page:Roy - Romanciers de chez nous, 1935.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
45
LES ANCIENS CANADIENS

colonie que protégeait le drapeau d’Albion. Nous avons d’ailleurs cueilli de nouveaux lauriers en combattant sous les glorieuses enseignes de l’Angleterre ! et deux fois la colonie a été sauvée par la vaillance de ses nouveaux sujets.[1]

Sans doute, nous avons eu à nous défendre contre les Anglais eux-mêmes qui s’attaquèrent à notre existence nationale ; mais ces luttes, elles aussi, furent glorieuses. « À la tribune, au barreau, sur les champs de bataille, partout, sur son petit théâtre, le Canadien a su prouver qu’il n’était pas inférieur à aucune race. » De Gaspé exhorte aux combats persévérants ses compatriotes : « Vous avez lutté pendant un siècle, ô mes compatriotes ! pour maintenir votre nationalité, et grâce à votre persévérance, elle est encore intacte ; mais l’avenir vous réserve peut-être un autre siècle de luttes et de combats pour la conserver ! Courage et union, mes compatriotes ! »[2]

Ces paroles sont bonnes et réconfortantes : et le lecteur les recueille avec attention quand il parcourt aujourd’hui ces pages qui furent écrites au milieu du siècle dernier. Et en les feuilletant, il songe aux luttes inévitables du temps présent. Il y reconnaît comme des accents prophétiques qui voudraient prévenir les discordes d’un autre siècle, et grouper autour de l’idée nationale les Canadiens français du vingtième siècle. Non pas qu’il soit désirable qu’un patriotisme étroit, que des jalousies et des haines de race occupent nos âmes canadiennes. Nous devons plutôt nous unir aux Anglais puisque nous sommes ici les fils d’une même patrie et que nous sommes frères au même foyer. Mais nous, Canadiens français, nous ne pouvons pas ne pas céder à l’instinct de conservation qui féconde les races et les fortifie, et nous ne pouvons donc oublier que dans les commerces nécessaires de notre vie nationale, il faut, par une sorte d’iro-

  1. Page 202.
  2. Page 202.