conte, ou auxquels il fait allusion, des réflexions bien neuves ou profondes. De Gaspé est plutôt l’écho et l’interprète des pensées communes qui agitent et mènent la foule ; il les exprime seulement avec plus d’éloquence que ne fait le peuple ; il leur donne la tournure oratoire qui lui est familière. Sa rhétorique a bien parfois je ne sais quoi de convenu et de banal qui est trop souvent le propre de l’éloquence politique, mais elle prend aussi sur les lèvres ou sous la plume de ce vieillard une solennité, une sorte de majesté qui impose le respect.
Rien n’est plus caractéristique, à ce point de vue, que l’hommage enthousiaste que de Gaspé rend à la mémoire des guerriers, morts ou vivants, vainqueurs ou vaincus, qui combattirent sur les Plaines d’Abraham. Le romancier interrompt brusquement son récit pour y intercaler trois développements, trois strophes où chante sur le mode lyrique le patriotisme le plus large et le plus humain.[1]
Il y a, au contraire, de l’amertume, de l’ironie et du sarcasme, dans les premières pages du chapitre où l’on raconte cet épisode des Plaines d’Abraham. Et les lèvres pesantes du vieillard ont dû se contracter dans un sourire bien dédaigneux, quand il a écrit contre les stratégistes de cabinet qui reprochent à Montcalm sa défaite, le commentaire ardent du Vae victis ![2]
Au surplus, M. de Gaspé — et il ne fait encore ici que rendre la pensée de tous les Canadiens — ne s’afflige pas plus qu’il ne faut du fait de la cession du Canada à l’Angleterre. « Nous vivons plus tranquilles sous le gouvernement britannique que sous la domination française »[3], dit un jour Jules à Arché, et M. de Gaspé lui-même se félicite de ce que la révolution de 1793, avec toutes ses horreurs, n’a pas pesé sur cette heureuse