cette tignasse mal peignée d’une terre sédimenteuse. Souvent la lame s’engageait dans la terre du sol inégal, faisait feu sur un gros caillou caché, entrait comme une flèche dans une souche ou une branche d’arbre. Ou bien elle perçait un nid de gros bourdons noirs et jaunes : les hommes abandonnaient là leur faulx, se sauvaient dans toutes les directions pour échapper à l’essaim enragé. » (p. 111).
Au réalisme des descriptions se mêlent souvent l’interprétation morale, et aussi ce lyrisme latent et fort qui se dégage et rayonne des choses. L’auteur raconte l’obsession qui ramène vers les bois l’homme qui y a vécu sa misère.
« Est-ce la grande poésie de la forêt que sentent en leur chair ceux qui ne savent pas pense ? Ils ne pourraient l’exprimer, mais la mélancolie sauvage d’un crépuscule, la joie d’une aube, l’excitation d’une chasse hantent tout leur corps. Ils entendent bramer l’orignal, ils voient passer les volées d’outardes et ils ne peuvent s’empêcher de partir. Car la forêt possède ses sirènes comme la mer… » (p. 136).
S’agit-il d’emprunter à la nature sauvage des comparaisons :
« Les misères vivent en bande comme les loups ; que l’une franchisse votre porte et vous voyez les museaux des autres qui flairent, cherchent à entrer ensemble, se bousculent, se précipitent comme si elles avaient peur d’arriver trop tard et de ne plus rien trouver. » (p. 126). Mais pour mieux apprécier l’art de marier les couleurs et d’y joindre le trait qui transpose en symbole tout un paysage, voyez par un après-midi d’octobre, ce que voient d’un chaland attaché au rivage, Vincent et Josephte.
« Un voile léger, semblable à une taie de mousseline couvrait la surface de l’eau qui luisait d’un éclat insolite. Jamais les rives ne s’étaient reflétées avec une telle netteté dans la limpidité de la rivière. Les forêts, les bois, tous