Page:Roy - Romanciers de chez nous, 1935.djvu/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
191
NORD-SUD

forêt leur ménage, avec les périlleux portages sur des pistes marécageuses où s’enfoncent chevaux et voitures ; la construction des bâtiments frustres en bois ronds, du nouveau colon ; la fabrication de la potasse ; les feux d’abatis ; une excursion de pêche à la Batture aux Carpes : voilà quelques-uns des tableaux que M. Léo-Paul Desrosiers a dessinés, brossés ou peints tout le long de ses récits. Quelques-uns d’entre eux sont animés d’une grande inspiration lyrique et d’autres ressemblent à des pages familières ou héroïques d’épopée.

Et il faut y ajouter des tableaux de nature, je veux dire des descriptions où la campagne, la terre, le fleuve, les jours, les soirs ou les nuits, sont fixés avec des lignes et des couleurs précises.

Venez voir aux premières pages du livre cette baie du Tonnerre farouche et tragique : « Des rivages d’un bleu noir, une eau livide, des îles semblables à des sarcophages submergés et qui ne tendent au-dessus des vagues que l’effigie des géants de pierre couchés pour leur dernier sommeil » (p. 17).

Entre la rivière et le chemin où s’en vont dans une vieille calèche à cric Vincent et Josephte, « s’échelonnent à distance égale les petites maisons carrées, basses, construites de rondins équarris à la hache, calfeutrées de mortier, blanchies au lait de chaux, et coiffées d’un toit d’herbes de marais» (p. 23) ; Vincent explique à Josephte comment les habitants sont ruinés parce qu’ils ne savent pas cultiver : « ces charrues de bois, en partie recouvertes de fer feuillard, munies d’une plaque de soc ou d’une pointe de fonte, ne pénètrent pas assez profondément. Elles sont trop petites, trop légères, de même que ces herses triangulaires sur lesquelles on jette un piquet de cèdre et qui ne font qu’égratigner le sol… » (p. 24). Et le repas du soir chez les Douaire, (p. 29) ; et le fauchage pénible de l’herbe à liens au Petit-Nord : « Vincent devait mettre toute sa force dans chaque coup de faulx pour trancher de grosses tiges juteuses, couper