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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

conquête ! Les maisons semblaient s’élargir pour les devoirs de l’hospitalité, comme le cœur de ceux qui les habitaient ! »[1]

En dehors de la table et des réunions joyeuses de l’amitié, l’habitant canadien est appliqué à son devoir, et sous le costume rustique et pittoresque que décrit plus d’une fois M. de Gaspé, il remplit avec courage et avec entrain sa tâche quotidienne ; il fait modestement et très consciencieusement cette petite histoire, qui est bien l’histoire vraie et toute belle de son pays.

Cette petite histoire s’agrandit, d’ailleurs, d’elle-même ; et selon les mouvements généreux et héroïques des âmes populaires, elle s’élève parfois jusqu’à la hauteur des grands drames. Souvenez-vous de cette scène inoubliable et si angoissante de la débâcle, à Saint-Thomas de Montmagny. C’est au moment où Jules et Arché, qui retournent du collège au manoir, arrivent au village de Saint-Thomas. La cloche de l’église sonne à toute volée et appelle au bord de la rivière, du côté de la chute, toute la population inquiète et affolée. Là, un homme, qui avait voulu traverser la rivière en voiture, le malheureux Dumais, lutte au milieu des glaces qui se brisent, qui s’effondrent. Déjà de hardis sauveteurs se risquent au secours du naufragé. Le péril est d’autant plus grave que la débâcle de la rivière peut s’effectuer d’un moment à l’autre, et pousser avec une force irrésistible vers la cataracte et vers la mer sauveteurs et victime. Et, en effet, pendant que l’on cherche à opérer le sauvetage, « un mugissement souterrain, comme le bruit sourd qui précède une forte secousse de tremblement de terre, semble parcourir toute l’étendue de la Rivière-du-Sud, depuis son embouchure jusqu’à la cataracte d’où elle se précipite dans le fleuve Saint-Laurent. À ce mugissement souterrain succéda aussitôt une explosion semblable à un coup de tonnerre dans le lointain…

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