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ROMANCIERS DE CHEZ NOUS

Que de locutions, qui sont presque de l’argot, et que l’on est étonné de rencontrer sous la plume de Caïus, sur les lèvres de Gamaliel ou d’Onkelos, dans la prose du Centurion ! Caïus dit à Jean le Baptiste : « Pourquoi vous obstinez-vous, si jeune encore à « briser votre carrière » ?[1] Il « décline l’invitation » de Myriam ; il parle de courtisans qui « évoluaient » autour d’elle,[2] de « succès sentimental. »[3] C’est Tullius qui écrit qu’aimer la campagne est « un goût distingué.»[4] C’est Jean-Baptiste qui dit au centurion : « Si vous ressemblez à Cornélius « au moral comme au physique », vous êtes un honnête homme. »[5] C’est Camilla qui demande au jeune Gamaliel, en parlant de Jésus : « Et quelle espèce d’homme est-ce ? »[6] C’est elle aussi qui parle du « coup de foudre de l’amour. »[7] Et l’on ne peut s’empêcher de reconnaître en tout cela le cliché des conversations tenues dans les salons de Québec.

Et que dire encore de cette fameuse séance du Sanhédrin, des discours de Gamaliel et d’Onkelos ?[8] Gamaliel, parle de « messianisme », qui est une « question, non pas individuelle, mais nationale » ; on trouve sur les lèvres de ce vieillard le « tournant de l’histoire », des « solutions de problème », une « attitude d’expectative », le « terrain théologique, dogmatique et moral », et Onkelos, lui, parle d’« évolution religieuse et politique. » Nicodème et Onkelos sont des tribuns modernes ; ils connaissent toutes les ressources de l’éloquence parlementaire. Le Sanhédrin ressemble, à la fin, — je ne dis pas au Parlement de Québec, car tous les sanhédrites parlent correctement le français — mais au Palais-Bourbon. Il y a des tempêtes d’interruptions et de protestations ou d’applaudissements, et tous ces cris, et tous ces mouve-

  1. P. 74.
  2. P. 20.
  3. P. 18.
  4. P. 57.
  5. P. 73.
  6. P. 92.
  7. P. 198.
  8. P. 271-293, passim.