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LE CENTURION

« Caïus était désolé, »[1] et, en vérité, cela ne suffit pas pour le rendre attachant.

Quant à la phrase attendue, prévue, évangélique, qui est toute la raison d’être du roman ; quant au mot fameux qui tombe enfin des lèvres du centurion ; quant à l’aveu qui, sur la pente du calvaire, échappe à sa conscience vaincue ; quant à cette affirmation qui devait être le dernier cri d’une âme délivrée, l’auteur ne l’a pas non plus ménagée ni préparée. Il a longuement disserté sur la mort de Jésus, concentrant ainsi sur lui-même l’attention du lecteur, et il a oublié de nous dire l’émoi progressif de son personnage ; il se contente, et ce n’est pas suffisant, de déclarer en fin de chapitre qu’« il y eut une voix qui s’éleva, et qui eut le courage de jeter le premier (sic), à la face des persécuteurs, cette grande parole de foi : cet homme était vraiment le Fils de Dieu ! »[2]

Pas assez traversées non plus d’impressions contraires, d’anxiétés, d’angoisse religieuse sont les âmes de Camilla, de Claudius et de Claudia. Et l’acte de foi qui termine leurs hésitations ne peut guère émouvoir que les lecteurs qui se réjouissent toujours de la conversion de leurs frères.

Il y a pourtant, même dans ces pages où l’intrigue ne nous semble pas assez savamment combinée, un intérêt qu’il faut tout de suite indiquer et louer, c’est celui qui tient au style dont le livre est fait.

L’on connaît depuis longtemps la langue souple, variée, chaude et enthousiaste que parle ou qu’écrit M. Routhier. Et nulle part peut-être dans ses œuvres, l’auteur n’a mieux montré ces qualités. La phrase est abondante, et elle roule en son flot somptueux toutes les perles,

  1. P. 397.
  2. P. 410.