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LE CENTURION

que Pierre rencontrant Judas au tombeau d’Absalon, pendant la nuit du procès, eut d’abord la pensée de s’élancer sur le traître et de l’égorger[1]. Il raconte que Caïphe demanda à Pilate de ne pas faire d’agitation, ni de recherches autour du fait de l’enlèvement du corps de Jésus, afin de laisser s’éteindre dans le silence et l’oubli la fable messianique[2]. Il déclare que deux gardes ont avoué devant Pilate la résurrection miraculeuse du Christ.[3] Or, le récit de la Passion est trop connu pour que le lecteur accepte ces créations du romancier, et peut-être eût-il été préférable de ne pas les lui offrir.

C’est ailleurs, sur d’autres points du roman, que l’auteur du Centurion eût pu exercer, et cette fois beaucoup plus activement et plus largement, ses facultés d’imaginer et d’inventer. Faut-il le dire ? M. Routhier a craint de mériter à son tour le reproche de Diderot aux faiseurs de romans historiques : « Vous trompez l’ignorant, vous dégoûtez l’homme instruit, vous gâtez l’histoire par la fiction, et la fiction par l’histoire. » M. Routhier n’a voulu rien gâter ; il n’a voulu être excessif ni dans la fiction, ni dans l’histoire, et loin de dépasser la mesure, il est resté bien en deça. On aimerait voir chargés davantage, et de plus de détails topiques, des tableaux sur lesquels ne s’imprime pas assez la vie orientale ; on souhaiterait surtout que l’auteur eût nourri davantage son intrigue, qu’il l’eût davantage fortifiée, et compliquée, et serrée, de façon à nous développer une fable qui offrît au lecteur plus d’intérêt.

C’est un roman, en effet, que l’on lit. Le Centurion est un « roman des temps messianiques ». Et dès lors que

  1. P. 403.
  2. P. 437.
  3. P. 438.