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BROSSARD ENCORE EN SCÈNE

XV

BROSSARD ENCORE EN SCÈNE


Joseph, Dona Maria, et la garnison du fort LaJonquière avaient vu s’évanouir à l’horizon les silhouettes des trois raquetteurs ; avant de rentrer à leurs quartiers, ils embrassèrent du regard l’immense étendue de pays qui se déroulait aux quatre points cardinaux.

— Mais voyez donc, senor, dit tout-à-coup Dona Maria, indiquant le sud de sa main mignonne ; ne dirait-on pas qu’il y a là-bas des êtres humains en mouvement ?

Aussitôt tous les yeux se braquèrent dans la direction indiquée.

Il n’y avait pas à s’y tromper ; et avant une heure, Joseph saurait ce qu’étaient ces nouveaux personnages ; car ils avaient l’air de diriger leurs pas vers le fort.

— Pouvez-vous voir à quelle race ces gens appartiennent, senor ? Si c’était un parti de mes compatriotes en exploration ?…

— Il est impossible de distinguer cela maintenant, mais dans une demi-heure nous serons fixés… En attendant, senorita, comme le froid est piquant, si vous entriez vous réchauffer ?… Je vous avertirai dès que j’aurai reconnu ce monde que la première vous nous avez signalé.

Dona Maria obéit. Joseph demeura sur la plate-forme du fort se promenant de long en large pour se tenir chaud.

Enfin, tout passe ; et trente minutes plus tard, Joseph avait reconnu une forte troupe de sauvages Assinibouëls. Il se rendit auprès de la jeune fille pour le lui annoncer, puis revint au poste qu’il occupait. Tous ces peaux-rouges étaient chaussés de raquettes. Ils s’avançaient sans ordre, pêle-mêle ; quand ils arrivèrent sur la rive sud de la Saskatchewan, ils s’arrêtèrent un moment pour se masser ; puis, obéissant à la voix d’un chef, ils descendirent la berge et traversèrent la rivière. Joseph essaya de les compter, quoique la tâche fût difficile. Approximativement, il estima leur nombre à deux cents guerriers. Chose qui le surprit et lui inspira une stricte vigilance, c’est que pas une femme ni un enfant n’accompagnaient ces moricauds.

C’était évidemment un parti de guerre qui se présentait, car ils étaient trop nombreux pour un parti de chasse.

Il les perdit de vue quand ils furent au bas de la rive-Nord, la hauteur de la berge les lui cachant, et il commençait à s’étonner de ne point les voir apparaître au sommet lorsqu’il aperçut à cinq cents mètres à droite, sur la rivière, une dizaine d’indiens s’éloignant au pas de course, la tête penchée, suivant une piste : celle de Pierre et des deux Yhatchéilinis.

Puis, apparurent, gravissant la berge escarpée, les sauvages qui vinrent jusque sous les murs du fort.

Leurs chefs demandèrent à entrer, ce que Joseph leur refusa.

— Je recevrai trois de vous, seulement, mais à condition que les