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SECOND VOYAGE À LA PIPE

— Sais-tu, dit-il, que nous devrions aller chercher notre or à la Pipe ? Et, si tu veux me le permettre, j’irai, moi, quérir cette fortune qui sera mieux ici que là-bas.

— C’est bon ! je vais te donner nos deux Yhatchéilinis pour t’y conduire. Quand partiras-tu ? demain ?

— La journée vient de naître, pourquoi ne partirais-je pas immédiatement ?

— Oui, mais il faut te préparer ?

— Oh ! du tout ! Nous n’aurons pas grand chose à prendre.

Le Renard et l’Écureuil ne mirent pas une demi-heure à s’apprêter. Les trois voyageurs, munis de raquettes pour marcher sur la neige et remorquant deux tobogganes, sortirent du fort, descendirent vers la rivière et, gagnant l’Est, suivirent la rive Nord afin de n’être pas vus des Yhatchéilinis. Ils allaient d’une allure rapide et ne tardèrent pas à mettre une bonne distance entre eux et la bourgade.

Le soir, ils firent une halte.

Ils se creusèrent un trou dans la neige, arrangèrent leurs tobogganes pour se garantir du vent glacial qui soufflait, et se roulèrent dans les couvertures de laine qu’ils avaient emportées et, pendant que deux dormaient, le troisième veillait pour la sécurité commune.

Au jour naissant, les trois hommes se remettaient en route pour la grotte de la montagne à la Pipe, où ils arrivaient dans la matinée.

Rien n’indiquait que des pieds étrangers eussent pénétré dans cette retraite. Après avoir fait un feu et s’être bien réchauffé, Pierre, guidé par l’Écureuil, alla voir la masse d’or extraite de la cachette, entre la source et la grotte. Quand il sortit du long tuyau, ou boyau, qui conduisait à la seconde chambre — la chambre au trésor — il remarqua un jet de lumière qui tombait en plein sur l’énorme pépite. Il suivit du regard ce rayon, et remarqua qu’il provenait d’une fissure dans le mur de la grotte. Il y appliqua l’œil droit et vit que, si cette ouverture pouvait être agrandie, il s’épargnerait la tâche de reporter l’or dans la première caverne.

La fissure donnait sur un ravin ou « coulée » circulaire dans le manche de la Pipe. Aussi loin de la coulée que la vue s’étendait, une nappe dont aucun arbre ne maculait la blancheur, se déroulait, immense, et se confondait à l’horizon avec la voûte céleste.

Dans la coulée croissaient des pins et des sapins.

— Nous partirons demain, dit Pierre à son compagnon, et si cela est praticable nous agrandirons cette fente et nous sortirons par là.

Ils rebroussèrent chemin.

En arrivant à la première grotte, ils trouvèrent le Renard bien excité.

Il était sorti, raconta-t-il, pour ramasser quelques brassées de bois aux alentours ; et au moment où il se disposait à rentrer, une balle avait sifflé à son oreille et s’était aplatie sur le calcaire à côté de lui. Se retournant promptement il avait cru apercevoir quelques sauvages se dissimulant derrière des arbres.

Cette attaque venait précisément de s’accomplir.