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L’AIGLE NOIR

le chef Kinongé-Ouilini eut un cri de surprise en apercevant un objet noir suspendu au cou du visage-pâle.

C’était l’amulette léguée par le Bison que Joseph portait sur sa poitrine depuis le départ de Ville-Marie, qui causait cette exclamation.

Un cercle de curieux se forma instantanément autour d’eux.

Le chef parlait maintenant avec volubilité à ceux qui l’entouraient.

Que disait-il ?

Joseph eut bien voulu le savoir, mais les paroles du sauvage étaient incompréhensibles pour lui, le chef s’exprimant en Kinongé-Ouilini.

Néanmoins, il fut bientôt évident qu’un sentiment favorable naissait subitement dans la tribu à leur égard.

Le supplice des baguettes ne se continua pas et l’on ramena les Français à leur prison.

Quand ils furent seuls, chacun voulut contempler l’amulette qui les sauvait la plupart d’entre eux d’une course à la bouline.

— Capitaine, demandait-on à Joseph, cet objet doit avoir une histoire : si vous la connaissez, dites-la-nous, s’il vous plaît ! Car c’est sans doute ce talisman qui nous a valu un répit que nous pourrons tourner à notre avantage.

De la Vérendrye se rendit partiellement à leur désir, et leur raconta le drame du Bison à Montréal, mais il eut soin de ne faire aucune mention du secret.

— Une idée m’est venue, dit Joseph à ses gens ; je crois que le chef a connu le frère, ou qu’il est peut-être le frère du Bison, et qu’il a été étonné de me voir ce talisman au cou.

Comme il parlait, ce personnage, accompagné d’autres chefs, entra, alla à Joseph et lui dit en Mandane :

— Homme au visage-pâle, je viens apprendre de ta bouche comment il se fait que tu possèdes l’amulette que tu portes sur toi ?

— En quoi ceci peut-il intéresser le grand chef des Kinongé-Ouilini ? demanda Joseph.

— Que le guerrier blanc réponde d’abord.

— Eh bien ! cet objet qui excite vivement ta curiosité m’a été donné par un ami à moi, chef de la tribu des Mandanes, que j’ai trouvé un soir gisant sur le sol, dans une grande bourgade de ma nation. Il venait de tomber sous le couteau d’un assassin qui le voulait voler.

— Comment se nommait le Mandane ?

— Le Bison.

Le chef inclina un peu la tête et murmura deux mots que l’oreille de Joseph saisit :

— Pauvre frère !

Deux larmes s’échappèrent des yeux du sauvage malgré son stoïcisme.

— Le visage-pâle voudrait-il raconter ce qu’il sait du Bison.

— Es-tu son frère, l’Aigle-Noir ?

— Oui. Si tu connaissais bien le Bison, il a dû te confier que ce