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LES KINONGÉ-OUILINIS

du soleil, le quartz brille, et celles dont nous apercevons le sommet dans le lointain ne brillent pas du tout.

— Tu as dit vrai ; répondit Joseph. Ce que nous voyons là-bas est la cime des monts Vermillons, et le chef sauvage qui nous a visités à Paskoyac en avait parlé à M. de Niverville.

Là-dessus, on se disposa à la halte de la nuit.

Le lendemain, on partit de bonne heure. On avait hâte d’atteindre les montagnes entrevues la veille. De leur sommet on pourrait observer la nature du pays à plusieurs milles à la ronde. On pourrait aussi s’assurer s’il y avait des villages indiens en avant.

Mais on avait beau nager ferme, on n’arrivait jamais, et les montagnes semblaient presque toujours aussi éloignées.

Au milieu du jour, de Noyelles dit à son ami :

— Dis-donc ! nous n’avançons pas ! Est-ce que ces monts sont ensorcelés et reculent devant nous ? Voyons, qu’y a-t-il ?…

— Mon cher, prends patience, dit Joseph en riant. Nous coucherons près des montagnes rouges ce soir ; ne sais-tu pas que l’œil peu exercé ne peut mesurer avec justesse l’espace qui le sépare de tel ou tel point dans ces vastes étendues ?

Parfois un éclair de joie brillait dans l’œil libre de Brossard, mais il faisait bien attention qu’on ne le vît pas.

Il allait enfin mettre son projet à exécution et tenter de s’emparer de l’objet si ardemment convoité.

Bientôt la nuit couvre la nature de son manteau sombre. De la Vérendrye place ses sentinelles autour du camp, au nombre de trois, et les sept autres, sur un lit fait de branches de sapin, vont chercher dans le sommeil un repos réparateur qui leur donnera, pour les fatigues du jour suivant, de nouvelles forces.

Deux de ces derniers, avant de dormir, veulent fumer une pipe de tabac, mais la journée a été trop dure, la fatigue est trop grande, et leurs yeux s’appesantissent.

— Couchons-nous, disent-ils, cela vaudra mieux que de fumer.

Les sentinelles aussi sont lasses, et c’est avec peine qu’elles combattent le dieu Morphée, les invitant instamment à imiter leurs compagnons qui reposent si bien près d’eux.

Elles envient leur sort.

— Allons ! patience, et bientôt nous serons remplacés, se disent-elles mentalement.

Mais le sommeil se fait sentir plus impérieusement.

Et les trois hommes, chargés de veiller à la sécurité du camp, se cachant les uns des autres, s’appuient chacun contre un gros arbre, et… s’endorment aussitôt.

Le feu du camp diminue continuellement.

Les ombres de la nuit se font plus épaisses : on ne distingue que vaguement les soldats…

Le feu est presque éteint : c’est alors que l’un des dormeurs se soulève lentement de sa couche et va raviver le foyer mourant.

Ensuite, se glissant doucement vers les gens endormis, il les