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LES KINONGÉ-OUILINIS

Varennes, en l’honneur du chevalier de la Corne, brave capitaine qui s’était distingué dans plusieurs combats.

Ici, Joseph accorde une journée de repos à ses hommes qui, certes, en avaient bien besoin, après avoir nagé ou portagé rudement depuis le Fort Paskoyac.

Cette courte halte ranima le personnel des canotiers, et l’on voyagea avec plus de rapidité. Bientôt il fallut décider par laquelle des branches ou fourches de la Saskatchewan on cheminerait.

Joseph avait déjà parcouru celle du sud, lorsqu’il accompagnait son père et aurait peut-être préféré suivre ce chemin mieux connu ; mais se rappelant que l’infortuné découvreur de la mine d’or avait trouvé son trésor au nord des sources de la branche sud, il opta pour la branche inconnue et inexplorée.

Mais il fallait s’avancer dans l’intérieur avec plus de prudence, et le chef de la petite troupe, plus expérimenté, prit le devant. L’embarcation de Noyelles suivait de près. S’il y avait rencontre dangereuse ou attaque, Joseph pouvait plus tôt savoir quelle tactique adopter.

L’Œil-croche ou Brossard, nom sous lequel il était connu des neuf personnes, avait cherché en vain un plan qui offrirait quelques chances de succès pour dérober à Joseph, l’amulette et son contenu, mais ce dernier se gardait trop bien.

Ce n’est qu’en partant du fort Paskoyac que Brossard s’arrêta à une idée qui le fit sourire.

Aussitôt il s’adressa à de la Vérendrye, et lui dit :

— Mon capitaine, l’étape que nous allons faire sera longue ; je vous demanderai une petite faveur au moment de nous mettre en marche. Je voudrais avoir charge de la cuisine. Je n’en suis pas à mon premier voyage, et sans pouvoir vous arranger des fricassés comme en font les bons cuisiniers de Montréal, je vous apprêterai des mets auxquels vous ferez honneur.

— C’est bien, lui répondit-on ; tu auras bientôt l’occasion de te distinguer et, si ta cuisine est goûtée de nos gens, rien ne t’empêchera d’avoir l’office que tu désires.

Au premier repas que prirent les Français, Brossard montra son talent culinaire et fut proclamé sur le champ cordon-bleu pour le reste de l’aventureux voyage.

Or, il y avait trois jours que les deux embarcations, faites d’écorce de bouleau, s’avançaient d’une bonne allure sur l’onde fugitive, quand on aperçut, au soleil couchant, des montagnes à l’horizon.

— Serait-ce là les Montagnes Rocheuses ? demandèrent quelques-uns.

— Non, répondit Brossard.

— Comment sais-tu cela ? interrogea Joseph, intéressé subitement, aurais-tu déjà pénétré jusqu’aux montagnes de roches ?

Brossard vit qu’il avait parlé trop vite et qu’il éveillait la curiosité de son chef, ce qu’il devait éviter.

— Non, dit-il, mais j’ai entendu dire que les Montagnes Rocheuses étaient aussi appelées montagnes brillantes, parce que, sous les feux