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nourriture de sa famille et trouve à s’occuper lui et les siens pendant qu’il n’est pas employé ailleurs ; il y a pour lui plus de sécurité dans l’existence.


Le caporal. — Comment se fait le recrutement de ces guitti et de ces colons qui viennent de loin et que le fermier ne connaît pas, qu’il ne connaîtra même jamais’* Ici nous touchons à une des plaies de l’Agro romano, à un des vices graves de l’organisation du travail sur les latifundia ; mais si le latifundium lui permet de se manifester dans toute sa hideur, il a son origine dans l’incapacité et l’imprévoyance des populations qui envoient des émigrants dans la Campagne romaine. Je veux parler du caporalat (caporalato). Le patron qui a besoin d’ouvriers s’adresse à un caporal entrepreneur de main-d’œuvre qui s’engage à lui fournir un certain nombre d’hommes à un prix déterminé. Le caporal reçoit une rémunération fixe par tête d’ouvrier fourni par lui, soit cinq ou dix centimes par jour ; il prélève une somme équivalente sur le salaire des ouvriers et si le patron a l’imprudence de verser ce salaire entre ses mains, il y opère parfois des retenues énormes. Un Piémontais, fermier dans les Marais Pontins, me disait qu’en causant avec ses ouvriers (ce que ne font pas les « mercanti di campagna », qui vivent à Rome), il s’était aperçu que ceux-ci ne recevaient que 2 francs sur les 2 fr. 50 qu’il versait au caporal comme salaire convenu. Le caporal touche aussi un salaire personnel car il doit surveiller les ouvriers et c’est un spectacle assez choquant de voir des escouades d’hommes, de femmes et