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souvent aussi, c’est un caporal qui les enrôle, leur procure une adresse de travail et remplit pour eux les formalités du départ. Les hommes seulement émigrent outremer et restent absents parfois cinq ou six ans.

Au point de vue des résultats matériels et moraux, il y a une grosse différence entre l’émigration dans la campagne romaine et l’émigration en Amérique. Les émigrants de l’Agro romano ne sont occupés qu’une partie de l’année et gagnent des salaires faibles : ils ne peuvent faire aucune économie et n’ont aucun moyen de s’élever. Ils n’acquièrent d’ailleurs aucune initiative, car ils restent encadrés dans leur groupement originaire et sont dominés par les caporaux ; ils ne prennent donc presque aucun contact avec le monde extérieur et n’en subissent pas les influences. Les « Américains » travaillent au contraire toute l’année et gagnent de gros salaires ; ils envoient de l’argent à leur famille et, à leur retour, ils réparent leur maison ou en construisent une neuve et achètent de la terre à des prix fabuleux, si bien que les propriétaires ont actuellement intérêt à vendre. Ces émigrants s’élèvent non seulement matériellement, mais aussi socialement ; ils subissent très heureusement l’influence de la race américaine. À son contact, ils acquièrent de initiative et comprennent l’importance de l’instruction, de la propreté et de la bonne tenue de la maison. « Envoyez les enfants à l’école et apprenez-leur à être propres » : tels sont, paraît-il, les conseils que répètent les émigrants dans leurs lettres.