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territoire de leur commune des moyens d’existence suffisants. On estime que les émigrants forment la moitié de la population. Les quatre cinquièmes d’entre eux sont des propriétaires de juments et de vaches qui vont hiverner avec toute leur famille dans les environs de Nettuno sur le littoral. Ces « campagnoli », comme on les appelle, possèdent de 30 à 40 bêtes. Lorsque ces familles sont dans la Campagne romaine, certains de leurs membres gardent les animaux, les autres cherchent du travail dans le voisinage ; pendant ce temps, leurs maisons de Jeune sont fermées et les champs sont cultivés par des parents ou des voisins, avec lesquels intervient un arrangement. Certains campagnoli sont possesseurs de 300 à 500 brebis ; ils s’associent entre eux pour louer dans l’Agro romano une « réserve », c’est-à-dire une certaine étendue de pâturage dans un domaine.

On voit la différence qui existe entre les pasteurs de Jeune et ceux de Cervara ; les premiers représentent encore l’ancien type du petit propriétaire de bétail, patron indépendant qui s’enrichit quelquefois par l’élevage et le commerce : les seconds, par suite de la concentration des troupeaux, sont devenus de simples salariés. Dans le premier cas le foyer suit l’atelier de travail, mais la famille reste groupée ; dans le second cas il y a séparation très nette et permanente entre le foyer familial et l’atelier de travail des hommes : la famille est divisée. Cette différence de l’état social à Jenne et Cervara tient sans doute à la différence du genre de bétail élevé : à Jeune ce sont des chevaux et des vaches, dont l’élevage n’a pas