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est le meilleur remède contre les abus du régime latifundiste ; mais il ne faudrait pas s’étonner que ce fût une étape vers la petite propriété. Cet état d’esprit et ces tendances du paysan de la province de Rome nous renseignent sur sa formation sociale et sont expliqués par elle. C’est un communautaire, mais un communautaire fortement ébranlé pour ne pas dire désorganisé. Cet ébranlement ne serait-il pas dû au régime même de la propriété dont la concentration entre quelques mains, en réduisant le paysan à la condition de prolétaire, a enlevé à la communauté patriarcale toute raison d’être[1] ? La constitution des domaines collectifs peut-elle renforcer et restaurer la formation communautaire originaire de la race ? Je ne le pense pas, car ces domaines collectifs ne s’adaptent pas à un cadre familial, mais à un cadre de voisinage : le village ; or, entre ces voisins, il y a déjà bien des intérêts divergents pour ne pas dire opposés. Il est bien peu probable que l’action législative arrive à comprimer la poussée individualiste qui, de nos jours, sous l’influence de causes diverses, se manifeste irrésistiblement partout où les communautés sont en voie de désorganisation.

À l’heure présente, le principal avantage des domaines collectifs est d’assurer l’indépendance du paysan en le libérant de la servitude du latifun-

  1. Nous avons observé qu’en Toscane la communauté se maintient mieux chez les métayers qui cultivent un domaine indivisible que chez les paysans propriétaires qui pratiquent le partage égal. Cf. Les populations rurales de la Toscane (Science sociale, 55e fasc., 1909).