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de favoriser les uns aux dépens des autres, il ait donné des terres à tous ceux qui lui en demandaient, et qu’il ait employé souvent le tirage au sort pour effectuer la répartition. La situation de fait donnant satisfaction aux deux parties, aucune des deux ne songeait à discuter la question de droit. Aussi est-il très difficile aujourd’hui de distinguer exactement les terres sur lesquelles existe réellement le droit de semailles. Il n’en est pas de même pour les droits de pâturage et d’affouage qui, n’impliquant aucune prestation de la part de l’usager, s’affirment bien plus nettement comme droits et, par suite, sont souvent reconnus explicitement par des titres. Les contestations ne surgissent guère qu’au sujet de leur étendue.

Nous touchons la à une des raisons qui ont, de nos jours, rendu aigu le conflit latent entre latifundistes et paysans. Les usages publics sont souvent mal définis, toujours indéterminés et très élastiques. Si la population est peu nombreuse et le bétail rare, les droits d’affouage et de pâturage grèvent légèrement les terres du propriétaire ; si, au contraire, les habitants sont nombreux et possèdent beaucoup d’animaux, le bois est ravagé et il n’y a plus place au pâturage pour le bétail du propriétaire[1]On comprend donc comment les usages publics sont devenus pour le latifundiste une servitude plus lourde à notre époque où la population s’est accrue beaucoup[2].

  1. On me cite un bois de 200 hectares, vendu 3 000 francs, à cause des usages publics dont il est grevé.
  2. Si on admet la théorie de la copropriété entre usagers et propriétaire nominal, la situation de fait est la même ; ce dernier se trouve réduit à la portion congrue. C’est d’ailleurs ce caractère d’élasticité des usages publics qui en rend l’affranchissement si difficile.