Page:Routhier - Le Centurion, roman des temps messianiques, 1909.djvu/358

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
356
LE CENTURION

Ses souvenirs d’enfance lui revinrent tumultueusement à l’esprit. Il revit Kérioth, le hameau natal si paisible, si verdoyant, auprès de Samarie.

Ne serait-il pas possible d’y retourner, de tout oublier, et d’y mener une vie cachée ?

Hélas ! non. Ni la paix, ni l’oubli n’étaient plus possibles pour lui. Satan qui avait pris possession de son âme lui fit voir de nouveau toute la monstruosité de son crime, qui serait publié par toute la terre, et qui ferait de son nom dans l’histoire le synonyme d’apostat et de traître.

Alors, il n’hésita plus, et se levant brusquement il prit sa ceinture et se pendit à l’une des branches du sycomore.

Au moment où Dieu le Fils était condamné devant le tribunal de Pilatus, Judas comparaissait devant le tribunal de Dieu le Père.

Alors son rêve maudit se réalisa : on acheta le champ du potier avec les trente deniers du traître, et il eut sa dernière demeure creusée dans le sol au pied du sycomore, qui lui avait servi de gibet.