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LE CENTURION

Cet argent qu’il avait idolâtré, et qui était le prix de sa trahison, lui brûlait les mains. Il ployait sous le poids de ces trente deniers qui lui faisaient horreur.

Il courut chez Caïphe où le Sanhédrin venait de prononcer la sentence finale contre Jésus. Il entra dans la salle où les principaux Sanhédrites étaient encore réunis, et il leur dit : « J’ai livré le sang innocent, et je vous rapporte vos trente deniers. »

Ils repoussèrent avec mépris ce traître, dont l’utilité avait cessé, et il sortit de la salle en blasphémant.

Un peloton de soldats, et les lâches valets du grand-prêtre entraînaient Jésus vers le palais de Pilatus. Il les suivit, et voulut s’approcher de sa victime pour contempler encore une fois sa face auguste. La valetaille le repoussa durement.

Alors il courut au temple, et il jeta sur le pavé les trente deniers d’argent qui lui pesaient comme le boulet d’un forçat.

Sans s’arrêter, ni se retourner, il descendit à grands pas vers le Cédron.

Comme il passait auprès du jardin de Gethsémani, il rencontra Pierre qui en sortait, et qui fit un mouvement pour s’élancer sur lui. Mais il n’eut pas à se défendre, car Pierre se détourna, et s’engagea dans le petit sentier qui conduisait au Temple.

Arrivé au tombeau d’Absalon, tout haletant de fatigue, de douleur et de honte, Judas s’assit un instant sur les gradins de marbre, et il songea.