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LE CENTURION

Il commence d’ailleurs à s’inquiéter lui-même de l’agitation des esprits au sujet du messianisme ; il a peur des embarras que pourrait lui causer la lutte acharnée du sacerdoce juif contre le prophète.

C’est pour cela, je pense, qu’il nous a prévenues que nous partirons demain pour Jérusalem, et que nous y passerons plusieurs mois.

Dans la soirée, Claudia proposa d’aller prendre un peu d’air frais sur la Marina et nous sommes allées nous asseoir sous un large térébinthe dont la mer venait battre le pied. La lune descendait lentement des hauteurs limpides du zénith, et ses rayons traçaient dans la direction de l’Italie comme une longue voie romaine dont les pavés semblaient des plaques d’argent. Le flot paisible causait amoureusement avec les syrtes du port, et laissait s’allonger des trainées d’écume, blanches comme des théories de sirènes.

Une large trirème noire venait de jeter l’ancre au large, et de grandes barques chargées de voyageurs en revenaient au bruit cadencé des rames et des chants des rameurs. Ces rameurs étaient juifs, car ils chantaient un psaume de leur grand poète, David.

C’est un chant plein de tristesse et d’harmonie qui rappelle les douleurs des ancêtres pendant leur captivité à Babylone. On l’a traduit en latin ; en voici la première strophe :

« Super flumina Babylonis
Illic sedimus et flevimus,
Cum recordaremur Sion. »