sera insuffisant à qui a l’ambition d’être divinisé. Pour devenir dieu, il faut se nourrir de Dieu.
VI
J’entends les incroyants objecter que tout cela est contre nature. Non, c’est au-dessus de la nature, mais non pas contre nature. Il est dans la nature le besoin de s’incorporer pour ainsi dire l’être que l’on aime passionnément, de s’en nourrir et de le nourrir lui-même de sa chair. La plupart des animaux nourrissent leurs petits de leur substance ; le pélican leur donne son sang à boire ; et la femme en ferait autant pour sauver la vie à son enfant. Croyez-vous que l’amour de Dieu pour l’homme soit moins grand que l’amour maternel ?
L’incroyant dit encore :
Mais comment la chair de Jésus-Christ mangée par l’homme peut-elle produire des effets surnaturels dans son âme qui est immatérielle ? C’est un mystère, sans doute, que je ne puis pas lui expliquer. Mais pourrait-il expliquer lui-même l’effet produit dans son intelligence, par un café noir ou une fine champagne au moment d’un discours à faire ? Non, il ne m’expliquerait pas comment ce breuvage tout matériel lui donne plus d’esprit, plus de verve, et une parole plus facile. Eh ! bien, pourquoi le pain eucharistique ne pourrait-il pas nous donner de la vertu, comme un stimulant vulgaire lui donne de l’esprit ?
Je vais plus loin, et je soutiens que la raison humaine justifie très bien les sacrifices de la Loi Ancienne et celui de la Loi Nouvelle.
Qu’est-ce qui entraîne l’homme au péché ? C’est la chair et le sang. Dès lors, il est raisonnable que la chair et le sang soient sacrifiés, c’est-à-dire offerts en sacrifice d’expiation, pour le péché.
Cela explique comment les sacrifices de la chair et du sang ont été considérés dans tous les cultes et à toutes les époques, comme le seul moyen d’expiation du péché, et d’apaisement de la divinité. Mais ce qui faisait leur mérite auprès de Dieu, c’est que Lui-même avait promis dès l’origine que son Fils sacrifierait sa chair et son sang pour l’expiation des péchés du monde, et que les sacrifices de la chair et du sang des taureaux et des agneaux étaient le symbole et la figure du sacrifice divin.
Or, la Rédemption ne devait pas supprimer le péché de l’homme, parce qu’elle ne devait pas supprimer sa liberté, et conséquemment les sacrifices expiatoires du péché devaient continuer, même après Jésus-Christ, pour appliquer aux âmes le fruit de cette rédemption.
Seulement, ils devaient changer de nature, en devenant infiniment plus parfaits, parce que le culte chrétien est infiniment plus parfait que le culte mosaïque.
Et donc la chair et le sang continuant de pécher, il est juste et raisonnable que la chair et le sang continuent d’expier et de porter à l’homme l’effet du sacrifice qui l’a racheté. Mais quelle chair et quel sang ? La chair et le sang de la seule victime désormais agréable à Dieu, c’est-à-dire de Jésus-Christ.