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STELLA MARIS

Qui contre le navire entre alors en courroux.
On dirait que soudain une haine terrible,
Messagère de mort — s’allume dans son sein ;
Elle crie, elle écume, et sur sa face horrible
Se trahit contre l’homme un sinistre dessein.
Elle ouvre en mugissant ses entrailles puissantes,
Elle y creuse soudain des abîmes sans fond,
Et dressant des milliers de têtes menaçantes
Elle jette un défi d’audace au ciel profond.
La mer, c’est l’inconnu, c’est le désert sans bornes,
C’est l’abîme insondable, immense, plein de bruit ;
C’est la mort parcourant des solitudes mornes
En aveugle invincible, et frappant dans la nuit !
Mais, ce jour-là, la mer était vraiment splendide.
La Mauve avec un air joyeux et triomphant,
Coquette, s’y mirait ; et, sur son sein candide,
L’onde la dorlotait, comme on fait un enfant.
On eût dit que la vague avait fait sa toilette :
Sa robe déployée en longs plis onduleux
Miroitait, tantôt rose et tantôt violette,
Ou bien laissait flotter d’immenses rubans bleus.
La paix et l’espérance animaient toutes choses,