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philosophique d’après laquelle il n’y a ni bien ni mal peut pratiquement s’accorder avec les doctrines fatalistes. Entre la négation de cette distinction sur laquelle repose toute morale et la pensée qu’on n’est pas libre de ses actes, qu’on obéit à une force inéluctable, appelée Dieu ou destin, la distance ne paraît point infranchissable.

Celui qui se considère comme l’aveugle instrument d’une volonté dirigeant souverainement toutes choses se lient pour absous d’avance, et ne peut avoir pour l’existence d’autrui le même respect que l’homme persuadé de sa propre liberté. Mais la nature humaine n’est point l’esclave des théories abstraites ; elle échappe à leurs conséquences par des impulsions mystérieuses, qui ne sont au fond qu’une affirmation spontanée de la liberté, et les plus convaincus adeptes du dogme de la prédestination se comportent comme s’ils croyaient à la réalité du bien et du mal, ainsi qu’à celle du plaisir et de la douleur, ils agissent comme s’ils se sentaient responsables, sans s’inquiéter de la contradiction entre leurs principes et leur conduite. Toutefois, il n’y a pas de cause absolument sans effets, et cette conviction que ni eux-mêmes ni leurs semblables ne sont les maîtres de leurs actions, l’habitude d’y puiser des