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Les Exploits d’Iberville

Ce soir-là, le vicomte de la Bouteillerie allait au plus mal. Le curé du village — un vénérable vieillard aux cheveux blancs — était assis à son chevet. Plus loin, près d’une fenêtre, maître Raguteau écrivait sur un guéridon.

— Dieu n’a pas daigné m’exaucer, disait le malade avec effort ; il a voulu, pour me faire expier mes péchés, me refuser cette suprême consolation de le revoir avant de mourir et de recevoir le pardon de sa bouche.

— Il ne faut jamais désespérer de la bonté divine, répondit le vieillard, et s’il vous refuse cette consolation, dites-vous bien que c’est pour vous donner au ciel une couronne plus belle, et bénissez sa sainte volonté. Du reste, ce jeune homme peut arriver d’un moment à l’autre.

— Que Dieu me donne ce bonheur avant de mourir !

— Dans tous les cas, reprit le vieux curé, n’avez-vous pas tout réparé ? N’allez-vous pas rendre à cet enfant, par l’acte authentique que rédige en ce moment notre ami Raguteau, les biens qui devaient lui appartenir ?

Tout à coup, on entendit au dehors le galop d’un cheval qui arrivait à toute bride et le son de la cloche qui annonçait un visiteur. Bientôt après parut dans l’encadrement de la porte l’intendant qui fit signe au prêtre. Celui-ci se rendit auprès du vieillard, tandis que maître Raguteau quittait la fenêtre pour s’approcher du malade.