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Les Exploits d’Iberville

de navires ennemis. En effet, impossible ici, comme en pleine mer, de prendre la chasse et de tourner le dos à l’ennemi. Il fallait soutenir le choc de trois vaisseaux, dont le plus petit, à en juger par l’apparence, était certainement de la force du Pélican.

Ici c’était donc le combat désespéré, le combat à outrance, sans espoir de succès ; une lutte infructueuse, le bâtiment pris ou coulé bas, l’équipage massacré ou fait prisonnier, c’est-à-dire la captivité, les souffrances, les insultes à la place des réceptions, des honneurs, des sourires des femmes, de la bombance du matelot victorieux dans les cabarets.

Telles étaient les tristes réflexions de l’équipage, quand une tête apparut à l’écoutille de l’arrière et un homme sauta lestement sur le pont.

C’était d’Iberville, alors dans sa trente-septième année, quoiqu’il en parut un peu plus de quarante.

Sa longue-vue à la main, il se pencha sur les bastingages. Tous les regards se reportèrent aussitôt sur lui. Après un examen de quelques instants, il se redressa sans rien dire et se dirigea vers l’officier de quart.

Celui-ci saluant son supérieur :

— Quels sont vos ordres, commandant ? dit-il. Dois-je changer la course ?

— Ce n’est pas la peine, mon cher Urbain, répondit d’Iberville de sa voix la plus calme. Le vent souffle du bon côté, profitons-en.