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Les Exploits d’Iberville

XVI

La succession du marquis.


« Quoique muette, ma douleur fut terrible et déchirante, parce qu’elle était vraie. Tant que le marquis fut exposé sur son lit de parade, dans le grand salon, immédiatement au-dessous du trône surmonté de ses armes, je restai anéanti auprès de sa dépouille, refusant la nourriture qu’on m’apportait, insensible, du moins en apparence, aux paroles de consolation qu’on s’empressait de m’adresser.

« Tandis que je m’abîmais ainsi dans ma douleur, Antoine, le vieil intendant de la maison, fort attaché du reste au marquis, qui m’avait toujours considéré comme un intrus au château, mettait le temps à profit pour faire des recherches dans les papiers de famille et faisait la découverte qu’il n’existait pas de testament en ma faveur ou le soustrayait, s’il en existait un réellement. Car je n’ai jamais pu éclaircir mes doutes à cet égard. Le soir même de la mort du marquis, il expédiait un courrier aux collatéraux du défunt et ceux-ci s’empressèrent d’accourir. Ils arrivèrent la veille des funérailles dans la nuit. J’étais étranger à toutes ces allées et venues. Le lendemain, je conduisis moi-même le deuil aux cérémonies religieuses qui furent accomplies avec pompe et solennité dans l’église du village. Et tandis que la foule s’écoulait silencieuse, je restai seul longtemps bien longtemps, à prier sur la tombe de mon bienfai-