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les bois où s’étaient réfugiés pendant l’action les femmes et les petits enfants.

M. de Portneuf resta avec cinq hommes, dont le plus jeune comptait plus de soixante-dix années. Quand ils s’aperçurent que ce serait folie de tenir plus longtemps, il était malheureusement trop tard. M. de Portneuf fut assommé d’un coup de crosse de fusil et tomba sur la pierre même qu’il venait de placer quelques heures auparavant sur les travaux de la défense, et la légende rapporte qu’un grenadier anglais lui ouvrit le crâne et fit manger sa cervelle à son chien. Un seul de ses compagnons réussit à s’échapper[1] ; les quatre autres furent criblés de coups de baïonnettes.

Pour couronner ces actes de cruauté inutiles, les troupes anglaises incendièrent toutes les habitations, ravagèrent le peu de grains qui avaient été ensemencés, pillèrent l’église et s’embarquèrent ensuite pour aller continuer à Ste-Anne leurs glorieux exploits.

À leur approche, toute la population se réfugia dans les bois emportant ce qu’elle avait de plus précieux.

À la rivière aux Chiens[2], ligne de démarca-

  1. Ce brave vieillard était un des ancêtres de M. Joseph Fortin, un riche cultivateur de St-Joachim, décédé dans le cours de l’année.
  2. Ces années dernières, en enlevant les débris d’un vieux pont sur cette rivière, les ouvriers firent la trouvaille d’un volume de la vie des Saints imprimé vers la fin du xviie siècle. C’est probablement à cette époque qu’il avait été caché dans cet endroit.