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bec le 22 mai ; le gouverneur, le 25 ; le 29, le chevalier de Lévis, avec les régiments de la Sarre, Royal-Roussillon, Languedoc, Guyenne, et Béarn, les troupes de la marine. Les milices et les sauvages suivirent de près.

Tel était l’état des choses au moment où le père Gravel recevait la visite de son fils Louis, visite d’autant plus agréable qu’elle, était tout-à-fait inattendue.

Louis Gravel était un beau jeune homme de vingt-six à vingt-huit ans, d’une taille élevée, et dont la saillie, des muscles annonçait autant de vigueur que d’activité. Il portait l’uniforme de lieutenant au régiment de Béarn, grade qu’il avait gagné l’année précédente à Carillon, en parvenant, à la tête de quelques miliciens, à enclouer les canons d’une batterie anglaise qui massacrait à revers le troisième bataillon du Berry, sous le commandement du chevalier de Lévis.

Rien de commun dans ses traits, quoiqu’il fût né de simples paysans de la Côte de Beaupré, ce qui avait donné cours à la calomnie que certain grand personnage de la colonie n’était peut-être pas étranger à naissance. Le nez, le menton et la bouche étaient d’une pureté classique ; des favoris, aussi, noirs que l’aile d’un corbeau, couvraient ses joues décolorées ; son teint était basané par un long séjour dans les